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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/809

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un fait bien curieux, et qui confirme à merveille, ce nous semble, ce que nous avons dit, à savoir que des causes d’insalubrité locales et des circonstances atmosphériques engendrent seules la peste, et que les cordons sanitaires n’en garantissent guère les pays qu’ils enserrent. A dater de 1625, la peste évacua l’Angleterre, et se réfugia dans la capitale, pour n’en plus sortir. Elle sévit à Londres trois fois (1615 - 1626 - 1665) avec une violence effrayante. On avait inventé, dès le XVe siècle, un système complet de mesures sanitaires, qu’on mit à exécution avec une rigueur nouvelle. Toute communication fut coupée entre la capitale et le dehors ; ce fut inutile : le fléau se concentra dans la ville. Un malheur d’une autre espèce mit fin à cette calamité. Londres, ravagé en 1665 par la peste, fut brûlé l’année suivante. L’incendie dévora particulièrement les quartiers pauvres, qui, au dire des écrivains de l’époque, offraient le spectacle le plus immonde et le plus misérable. Au lieu de couloirs humides où l’air ne pénétrait jamais, on ouvrit de larges rues, on construisit des maisons neuves et aérées à la place des échoppes, et la peste n’a pas reparu.

Depuis 552, l’Italie a eu soixante-onze fois la peste. Excepté l’Espagne, c’est le pays qui a le mieux enregistré ses épidémies ; elle en eut cinq pendant la dernière moitié du VIe siècle. Les données exactes manquent en Italie à partir de cette époque jusqu’au XIIIe siècle, qui fut marqué dans ce pays par huit pestes. On en compta onze dans le suivant et quinze dans le XVe, neuf dans le XVIe, deux seulement dans le XVIIe ; le XVIIIe en fut exempt ; le XIXe enregistra la peste de Noja, en 1815. Ainsi la peste, qui, depuis un siècle avant l’ère chrétienne, abandonna presque entièrement l’Italie au temps de sa grandeur, y reparut tout à coup au VIe siècle avec la décadence. Le XVe siècle a été le plus frappé. Chacun sait quels troubles, quelles misères désolèrent cette époque, que l’art rendit si merveilleuse. Les annales du monde n’offrent rien de plus extraordinaire que ce contraste des arts à leur apogée au milieu de la désolation générale. Obéissant, dans les siècles suivans, à l’impulsion qui lui était donnée, l’Italie, sous bien des rapports, devança les autres pays de l’Europe. On voit la peste y diminuer et s’y éteindre, tandis qu’elle est ailleurs à son maximum d’intensité. Je ne conclus pas, je constate.

La même observation peut s’appliquer à l’Allemagne, où la peste, qui y parut cinquante-six fois, ne s’éteignit qu’en 1713, tandis qu’elle cessait en 1665 en Angleterre, en France un an plus tôt, et plus tôt encore en Italie. L’épidémie a donc sévi pendant les guerres politi-