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Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 12.djvu/897

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Peut-être n’en veut-il pas avoir : on assure en effet qu’au sein du ministère il y a des volontés prononcées contre la présidence de M. Guizot. Cette fois la présidence serait réelle et sérieuse, et voilà précisément où serait le danger aux yeux de quelques collègues de M. le ministre des affaires étrangères. Non-seulement on nie que cette présidence donnât plus de force au cabinet, mais on s’explique même assez ouvertement sur les inconvéniens qu’elle pourrait avoir. Les collègues de M. Guizot n’ont pas pour maxime l’unité de pouvoir et de direction ; ils préfèrent former une petite république oligarchique, où l’on puisse se donner les plaisirs de l’indépendance.

Cette politique d’expédiens dans laquelle on se complaît a bien ses périls. Le cabinet va se retrouver en face du parlement, qui, sur plusieurs points, pourra se montrer exigeant et sévère. Nous n’avons pas la prétention de préjuger les dispositions de la chambre ; cependant dès aujourd’hui, avant tout symptôme avant-coureur, ne peut-on croire qu’une chambre, arrivée à sa quatrième session, à la veille d’une réélection générale, aura des susceptibilités, des scrupules qu’elle voudra plutôt consulter que les convenances ministérielles ? Quand l’heure n’est pas loin où la souveraineté électorale doit s’exercer, les chambres goûtent davantage certaines pensées de prévoyance, de dignité nationale, de bonne administration : cela est dans le tempérament parlementaire. Pour de pareilles époques, un ministère avisé ne saurait trop recueillir ses forces ; c’est alors qu’il faut plus que jamais paraître uni, résolu ; c’est alors qu’on ne saurait mettre trop d’art à dissimuler ses faiblesses. Le ministère, parce qu’il a duré, se croit-il au-dessus de ces règles de prudence ? Cette présomption ne serait pas sans écueils. Avoir duré est un avantage sans doute, mais à la condition de n’en pas abuser. Jusqu’à quel point l’attitude du cabinet répond-elle aux difficultés qui l’attendent, aux difficultés créées par sa durée même ? Toute son attention n’a-t-elle pas été, dans ces derniers temps, absorbée par des préoccupations personnelles, par de petits arrangemens intérieurs ? Le cabinet a long-temps agité et peut-être n’a pas encore résolu la grave question de savoir quel serait le traitement de M. le duc de Dalmatie connue président du conseil sans portefeuille. Ne voilà-t-il pas un grave problème ? Il ne faudrait pourtant pas voir les hommes se diminuer à plaisir au moment où les questions grandissent, où les difficultés se multiplient.

C’est sur l’extérieur que se concentre maintenant l’intérêt politique. En attendant l’animation parlementaire, des faits importans, des symptômes significatifs, attirent notre attention, et d’autant plus vivement, qu’un semblable spectacle n’est pas l’amusement d’une curiosité oisive et sans but. Ainsi, lorsqu’entre l’Angleterre et les États-Unis commence à se poser une redoutable question de paix et de guerre, il y a là pour la France un intérêt sérieux, et nous ne saurions suivre avec trop de vigilance les phases diverses que doit traverser une semblable affaire. Sur le littoral de l’Océan Pacifique, à l’ouest des Montagnes Rocheuses, se déroule un vaste territoire