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ces plaintes du public, et on lit dans le rapport au roi qui précède l’ordonnance de 1839 que tous les désordres et tous les abus se sont introduits dans le régime de ce vaste établissement ; que, malgré les ordonnances de 1828 et de 1832, les abus n’ont pas été détruits, et que l’accumulation même des richesses a plongé la Bibliothèque royale dans un désordre progressif. Nous devons ajouter qu’on aurait tort de faire peser sur l’administration actuelle toute la responsabilité d’un tel état de choses. Le mal date de loin ; il faut en chercher la première cause dans l’absence complète de classement méthodique au moment des nombreux dépôts opérés par suite de la révolution, et l’on peut dire qu’après de longues années les livres sont restés dans le désordre et l’anarchie de la terreur.

Dans toute bibliothèque régulièrement organisée, on dispose d’ordinaire l’arrangement matériel d’après l’ordre indiqué par les bibliographes et la logique. L’Écriture sainte ouvre la série ; c’est Dieu, l’éternel Alpha, qu’on trouve au point de départ. Après les livres de Dieu, les livres des hommes qui traitent de Dieu dans ses rapports avec l’humanité, des devoirs de l’homme envers l’auteur de toutes choses, c’est-à-dire les livres de théologie ; puis les livres de prières, la liturgie ; puis, après la science des lois divines, la science des lois humaines, la politique, le droit, etc. Tout s’enchaîne et se déduit de la sorte ; on ne peut s’égarer, car on marche appuyé sur une méthode, une idée. Ici, par malheur, le hasard a remplacé la méthode. Une seule partie, celle qui est antérieure à la révolution, est très bien rangée ; elle comprend, avec les intercalations, environ deux cent mille volumes, et comme elle se trouve au premier étage, dans les salles accessibles au public, elle peut donner aux visiteurs illustres une impression très favorable. Quant aux six ou sept cent mille volumes qui restent, malgré quelques tentatives de rangement, ils sont à peu près dans le chaos. En effet, au rez-de-chaussée, nous trouvons : 1° les grands papiers, 2° les livres sur vélin, 3° les pièces sur l’histoire de France, 4° les journaux de la révolution, 5° les périodiques. — Au premier comble, nous trouvons des livres nouveaux (qu’est-ce que des livres nouveaux ?) et quelques fonds de bibliothèque acquis en masse, tels que ceux de Falconnet, de Langlès. — Dans le deuxième comble, nous trouvons les livres provenant de diverses bibliothèques monastiques, telles que Saint-Germain-des-Prés, Saint-Sulpice, etc. ; les papiers de la police de Paris de 1750 à 1780 ; de grandes collections historiques, par exemple un recueil considérable sur l’histoire du Noyonnais ; des recueils sur le magnétisme et sur les jésuites ; une grande quantité de brochures sur les hommes célèbres ; une collection de musique. Les brochures sont rangées à part ; mais qu’entend-on par brochures ? Combien faut-il qu’un imprimé ait de pages pour qu’il soit brochure ou livre ? Les brochures sont uniquement classées par ordre alphabétique ; il suffit donc, sur les bulletins de demande, de transposer un mot dans l’énoncé du titre pour qu’il devienne impossible de trouver. Dans telle section de l’histoire, on a adopté l’ordre chronologique ; dans telle autre, l’ordre alphabétique. Comment se reconnaître dans cette confusion ?