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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1111

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droit de justice souveraine, par une révolte à main armée, y perdirent leurs institutions et les dernières garanties de leur indépendance. Ces chapitres, dans lesquels le drame romanesque de Perez rejoint et traverse les grands intérêts de l’histoire, et où les deux ressorts se confondent, sont d’un suprême intérêt ; et, en tout, dans le cours de cette publication épisodique, M. Mignet a su combiner le genre de piquant qui tient à une destinée individuelle et aventurière, avec la gravité habituelle qu’il aime dans les conclusions.

Les deux volumes de Notices et Mémoires historiques (1843) qui contiennent le tribut payé par M. Mignet à titre de membre et d’organe de deux académies, et particulièrement de celle des Sciences morales et politiques, demanderaient plus d’espace pour l’examen que nous ne pouvons leur en donner ici. Le mémoire lu en 1839, sur la Conversion de la Germanie au Christianisme et à la Civilisation pendant les VIIIe et IX° siècles, offre une des plus légitimes, des plus belles applications de la méthode scientifique, telle que l’esprit de l’auteur se plaît à la déployer et à la gouverner au sein des masses de l’histoire. Saint Boniface, jugé au point de vue civil, y représente avec héroïsme, avec sublimité, l’énergie sociale conquérante, le bienfait de l’idée nouvelle. Et en général, c’est quand un personnage s’identifie avec une idée, avec un système et une des faces de la pensée publique, que M. Mignet s’y arrête le plus heureusement et excelle à le peindre. Cette remarque se vérifie dans les éloges et notices académiques qu’il a eu l’occasion de prononcer. Nul plus que lui ne semble propre à ce genre d’éloquence académique, à la prendre dans sa meilleure et sa plus solide acception. Les corps littéraires sont heureux de rencontrer de telles natures de talent, auxquels se puisse conférer l’office de les représenter, aux jours de publicité, par leurs plus larges aspects, et de les faire valoir dans la personne de leurs plus illustres membres. Si la mort, qui frappe à coups pressés dans les rangs des mêmes générations, ne met pas toujours de la variété dans ses choix et apporte inévitablement quelque monotonie dans l’ordre des sujets qui se succèdent, elle fait passer aussi un à un devant l’historien-orateur les principaux représentans de toutes les grandes idées qui ont eu leur jour. C’est ainsi que M. Mignet a eu tour à tour à apprécier des philosophes, des hommes d’état, des jurisconsultes, des médecins, des économistes : il n’a failli à aucun de ces emplois, et on l’a vu porter dans tous la même conscience d’études, une vue équitable et supérieure, et une grande science d’expression ; mais il nous semble n’avoir