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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1124

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des compagnies de soldats étaient détachées dans mille directions pour distribuer aux paysans mécontens des armes contre les seigneurs. La prison même de Wisznicz fut ouverte par les employés impériaux, qui lancèrent les forçats à la poursuite des gentilshommes. Avec un corps nombreux de paysans ameutés, le colonel Venedek attaqua et battit à Gdow un détachement d’insurgés. Cette petite victoire, jointe sans doute à la nouvelle de l’évacuation de Cracovie par le principal corps des insurgés, détermina le général Collin à quitter ses retranchemens de Wadowicé, et à se porter de nouveau vers Podgorzé, d’où (si l’on en croit les bulletins de Vienne), après un combat acharné, il finit par rejeter les Polonais dans Cracovie.

Il était facile de rentrer dans une place évacuée. Les généraux autrichiens, prussiens et russes sommèrent donc la république, le 3 mars, d’ouvrir son territoire aux troupes des trois puissances protectrices. Ces troupes furent aussitôt invitées à rentrer dans la ville. Les Russes, dit-on, y parurent les premiers ; puis, le lendemain, 4 mars, vinrent les Autrichiens ; les Prussiens n’arrivèrent que les derniers, comme pour mieux indiquer qu’ils venaient à contre-cœur. Presqu’en même temps le lieutenant-maréchal Wrbna, ancien commandant du régiment de l’empereur Nicolas, à la tête de l’armée autrichienne, s’avançait à marches forcées vers la Gallicie ; mais, au lieu de l’attendre dans les plaines jonchées déjà des cadavres de la noblesse, les insurgés ont gagné les gorges des Karpathes. Là ils se seraient partagés en plusieurs corps insurrectionnels. L’un, en suivant la chaîne des montagnes moraves, s’efforcerait d’entrer en Bohême ; un autre cherche à pénétrer par Iablonka dans la Hongrie, qui depuis long-temps n’attend que l’occasion d’éclater ; un troisième corps, et le plus considérable, est entré en Russie pour y insurger les provinces de Podolie et de Volhynie, et pour s’unir aux anciens confédérés de la Pologne, les Kosaques de l’Oukraine. On a espéré que ces tribus belliqueuses, à qui l’empereur Nicolas a enlevé tous leurs privilèges héréditaires, et ce beau système démocratique slave dont jouissaient leurs aïeux, ne manqueraient pas de saisir l’occasion de reconquérir leur antique constitution, en s’unissant aux Polonais. A la vérité, aucun résultat certain de cette expédition n’est encore connu. On assure cependant que les descendans des fameux Zaporogues, restés les plus zélés gardiens de l’antique nationalité kosaque, avaient été d’avance initiés au complot. Ces hardis aventuriers qui, long-temps émigrés en Turquie, se sont laissé persuader, par une sorte de hasard providentiel, de rentrer en 1830 dans leur pays natal, les Zaporogues