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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1139

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lui-même. Les réélections partielles avaient un moment ranimé l’espérance au cœur de l’aristocratie territoriale, et c’est avec bonheur que ses organes se complaisaient à adresser au premier ministre d’ironiques condoléances sur le triple vide qui se fait remarquer au banc des conseillers de la couronne. Les organes les plus violens du torysme provoquaient les électeurs trahis par leurs représentans, — et ces défectionnaires du protectionisme sont au nombre de 112, — à se réunir pour exiger la démission des mandataires infidèles ; un moment, on a cru que de tels conseils pourraient être suivis, et il ne serait pas impossible que, si, par suite de ces incitations, la dissolution était prononcée, le parti protectioniste n’eût dans la nouvelle chambre des communes une faible majorité. Mais comment gouverner en ayant contre soi toutes les grandes villes de l’Angleterre, et la réprobation compacte du Yorkshire, du Lancashire, du Chestshire ? Comment ne pas reconnaître, avec M. Cobden, que les représentans des bourgs pourris ne tiendraient pas une semaine contre ce grand courant de l’opinion publique ? Et quel serait le ministère Polignac de l’aristocratie britannique, séparée de sir Robert Peel et abandonnée du duc de Wellington ? Une telle perspective a fait ouvrir les yeux aux plus aveugles, et, quoique le parti protectioniste ait encore la majorité dans le corps électoral et dans la chambre des lords, il recule devant une lutte qui commencerait à Westminster pour finir sur la place publique.

Le succès des grandes mesures économiques de sir Robert Peel est donc assuré désormais. En ce qui concerne son avenir politique, nous continuons à croire qu’il sera court, et que le premier ministre de la Grande-Bretagne a épuisé son courage et ses forces dans cette lutte acharnée contre son propre parti. 231 tories restent séparés de lui par un vote solennel, 112 seulement lui sont demeurés fidèles ; c’est donc dans le parti whig, dans le parti radical et dans les 60 représentans irlandais, que sir Robert Peel est désormais contraint d’aller chercher une majorité pour laquelle ses propres amis ne forment qu’un appoint. Nous persistons à douter qu’une telle situation soit long-temps tenable.

Les nouvelles de l’Inde exercent depuis quelques jours, et sur l’opinion et sur le crédit public, une assez vive influence. La guerre du Penjaub paraît être l’une des plus sérieuses que l’Angleterre ait engagées dans ces vastes régions. À la date du 2 février, on savait qu’une autre grande bataille avait été livrée sur le territoire de la compagnie ; mais le résultat, qui pourrait bien n’être pas inconnu du gouvernement, reste encore pour le public enveloppé de mystère. De grands préparatifs se font dans la marine et dans l’armée, et les arrivages des paquebots de l’Inde ne sont pas attendus dans la Cité avec moins d’anxiété que ceux des paquebots de New-York. De ce côté, la situation ne s’est pas sensiblement modifiée. La communication de la correspondance diplomatique faite par M. Polk est plutôt un procédé inconvenant qu’une complication sérieuse. La dénonciation de la convention de 1827 n’a pu étonner personne, et l’autorisation spontanément donnée au président de