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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/1146

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la compagnie qui régnait par ses casernes, par son parc d’artillerie, par l’ascendant d’une puissance victorieuse.

Le nouveau souverain de Sattara se nommait Pertaub-Sing ; il se trouva qu’au lieu d’avoir mis sur ce trône un fantôme de roi, la compagnie avait appelé au pouvoir un homme distingué, capable de gouverner de plus vastes états, intelligent et juste, ce qui est rare parmi les princes de l’Inde. Le général Briggs et le général Robertson, accrédités près de lui à titre de résidens, ont fait de vive voix et dans leur correspondance l’éloge de sa conduite ; ils déclarent « l’avoir toujours vu disposé à respecter les engagemens qu’il avait pris envers la compagnie, toujours reconnaissant de ce que ce gouvernement avait fait pour lui. » Son administration était citée par ces mêmes résidens « comme un modèle à proposer à tous les souverains hindous. » Il savait borner les dépenses de sa maison, surveiller toutes les affaires de ses états sans le secours d’aucun ministre ; par ses soins, un collége s’était élevé à Sattara, dans lequel on enseignait aux jeunes Mahrattes, outre l’idiome national, les langues persane et anglaise, l’art de lever des plans et l’arithmétique. Dans les documens recueillis à cette première époque de son règne, la cour des directeurs reconnaît qu’on doit au raja un témoignage de satisfaction « pour sa belle conduite et pour l’excellence de son administration. » Elle engage le gouvernement de Bombay à lui rendre cette éclatante justice, et remet au prince une épée d’honneur comme une marque de son estime et de sa haute considération, as a tolsen of their high esteem and regard. Voilà, certes, bien des certificats de bonne conduite gratuitement délivrés à Pertaub-Sing par la cour des directeurs, sur les notes favorables envoyées par le gouvernement de Bombay, qui lui-même recevait ses impressions des résidens, c’est-à-dire des personnes placées le plus près possible du raja pour surveiller ses actions.

Ces bonnes relations durèrent jusqu’en 1835 ; l’épée d’honneur fut annoncée au raja par une lettre datée du 29 décembre de cette même année. En 1836, ce raja, sur le compte de qui la cour des directeurs se formait un jugement si avantageux, est accusé, par deux officiers natifs du 23e régiment d’infanterie de Bombay, d’avoir essayé de les séduire en les détournant du service de la compagnie. Deux témoins, un brahmane et un serviteur du prince, affirment avoir assisté à l’entrevue. Une commission est nommée par le gouverneur de Bombay pour rechercher la vérité de ces accusations ; le raja, sommé de comparaître devant ses juges, entend lire les actes qui le condamnent sans les comprendre entièrement. Ces actes étaient écrits en hindoustani ; Pertaub-Sing demande qu’on les traduise en mahratte, dans sa langue natale ; on lui promet de faire droit à sa réclamation, et il se retire en attendant avec confiance qu’on lui remette ces pièces de conviction, qui tiennent la vengeance de la compagnie suspendue sur sa tête. Le temps se passe, les copies n’arrivent point, et le raja est déclaré « condamné par son silence ; » en d’autres termes, la commission annonce au gouvernement de Bombay que le raja « a été incapable de prouver la fausseté des accusations dirigées contre