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de le ravoir au bout de quelques jours avec les mois de nourrice. La maladresse d’une meneuse nouvelle, qui était dans le secret, fit découvrir la fraude. A l’époque même où ces désordres avaient depuis long-temps disparu, le service des meneurs était encore très loin de répondre à tous les besoins de l’administration. Un de ces besoins est la visite des enfans placés à la campagne. Les meneurs n’avaient ni les lumières suffisantes, ni le caractère convenable pour exercer sur les nourrices de leur arrondissement une surveillance efficace. L’administration crut bien faire en les réformant. Une partie du service des anciens meneurs est aujourd’hui remplacée, dans les communes, par des préposés. Ces derniers sont chargés d’inspecter les enfans trouvés disséminés sur leur arrondissement, et de s’entendre avec l’administration pour le choix des nourrices. La suppression des meneurs est une mesure louable, et cette légère amélioration amena quelques autres progrès.

L’hospice de Paris reçoit des nourrices de la campagne et des nourrices sédentaires. Celles qui sont à demeure gardent et nourrissent dans la maison les enfans plus faibles, à l’égard desquels on pourrait craindre la fatigue d’un voyage. Dès qu’un de ces enfans est reconnu assez fort pour être transporté sans danger à sa destination, on le retire à sa nourrice et on le remplace par un autre. Combien sont ingrates de telles fonctions, on le comprend sans peine : la femme qui sait que son nourrisson lui sera enlevé dans quelques mois ne peut ni s’attacher à lui, ni prendre d’attrait à ses devoirs. Simples machines à lactation, les nourrices sédentaires donnent mécaniquement leur sein à des nouveau-nés chétifs et malingres, dont elles n’obtiendront pas même un sourire. Comme s’il ne suffisait pas de ces motifs de répugnance pour éloigner de la Maternité les bonnes nourrices, on commettait anciennement la faute de les charger de deux nourrissons à la fois. Une pareille tâche a été reconnue au-dessus des forces de la nature : ce qui est possible à la campagne, au grand air, au milieu de l’abondance rustique des moissons et des vendanges, ne l’est plus avec la mélancolique réclusion d’un hospice. Ces nourrices à demeure sont en général des filles-mères. A la mortalité qui règne sur les maisons d’enfans trouvés, à la vie monotone qu’on mène dans ces établissemens réguliers et tristes, ajoutez, pour de telles mercenaires, la nécessité de se séparer de leur ménage, l’inquiétude qui résulte de cet abandon, et vous sentirez qu’en effet des femmes mariées, si pauvres qu’elles soient, doivent rarement se condamner à une captivité si dure. Par la misère qui court et malgré les