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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/229

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servir, dans tous les cas, que des wagons de troisième classe, il y aura toujours un inconvénient grave à exposer, comme sur le chemin de fer de Rouen ou d’Orléans, des femmes qui nourrissent et de faibles nouveau-nés à toutes les intempéries des saisons. Il est donc à désirer que ces wagons soient désormais couverts. Si l’industrie tient à s’absoudre du reproche de matérialisme, elle n’y parviendra qu’en venant en aide aux misères, aux souffrances et aux besoins les plus intéressans de l’espèce humaine.

La nourrice est désormais pour l’enfant trouvé une mère que la société lui donne. Tandis que dans les asiles ordinaires la charité s’exerce tout à l’intérieur de l’établissement, ici, dans une maison d’enfans trouvés, l’action de la bienfaisance publique s’étend au contraire extra muros. Ce n’est pas même un hospice proprement dit, c’est une institution tutélaire. A peine, comme nous l’avons vu, après quelques jours seulement d’hospitalité, l’enfant a-t-il été remis à la femme qui doit le nourrir, tous deux s’éloignent, et le plus souvent ce départ est sans retour. Le seul rôle que l’administration conserve, rôle qui durera cette fois plusieurs années, est celui de tuteur. Les inconvéniens de ce patronage résultent de l’impuissance même des forces humaines à protéger de loin (de bien loin, hélas !) un si grand nombre de pupilles. Nous avons dit les moyens de surveillance dont l’administration se sert pour exercer sa tutelle : elle se fait représenter auprès des nourrices par des hommes qu’elle a revêtus d’un caractère légal. Comment ces préposés remplissent-ils les devoirs de leur charge ? C’est ce qu’il est fort difficile de décider. En ce qui regarde les soins sanitaires, l’administration traite à forfait avec un médecin pour tous les enfans trouvés de l’arrondissement. Ce médecin est chargé de les visiter et de fournir lui-même les médicamens en cas de maladie. La mortalité des enfans trouvés, quoique moins forte dans les campagnes que dans l’intérieur de l’hospice, est encore très considérable, et hors de toute proportion avec celle des enfans ordinaires.

Cette circonstance s’explique pour les uns et les autres, du moins en partie, par la nature et les antécédens de leur naissance. Les enfans trouvés conservent les traces d’une génération viciée dans sa source : ils sont en général faibles, rachitiques, scrofuleux et de petite taille. A peine si, à l’époque du tirage, la moitié d’entre eux (200 sur 400) sont trouvés en état de faire partie du service militaire. Une telle infériorité mérite de fixer notre attention. Au nombre total des naissances (961,226) qui ont lieu chaque année en France correspondent 32,000 expositions d’enfans. C’est une exposition sur trente naissances.