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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/241

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causes qu’il n’est point donné à la médecine de détruire. Les conquêtes de la science rencontrent d’ailleurs une limite qu’elles ne peuvent plus guère franchir après un certain temps. Cette limite paraît être atteinte dans le service médical des enfans trouvés. Le mouvement de conservation, qui a sauvé depuis quelques années un plus grand nombre de ces malheureux, semble devoir aujourd’hui s’arrêter. En est-il de même de l’administration ? L’état actuel de l’hospice des Enfans-Trouvés de Paris a aussi très peu de chances de s’améliorer. Ce qui manque surtout, c’est une direction qui relie entre elles les diverses branches du service et qui imprime aux mesures adoptées une marche stable ; or, une telle unité est impossible à obtenir avec les conseils et les influences diverses qui gouvernent cet établissement. On peut donc dire, sans attaquer en rien les hommes et en tenant surtout compte de la nécessité des choses, que l’institution des enfans trouvés dans la première ville du royaume fera gémir long-temps l’humanité, qu’elle est destinée à secourir.

L’étude de l’hospice des Enfans-Trouvés de Paris abrégera beaucoup celle des mêmes établissemens qui existent dans le reste de la France. Ces maisons sont en effet établies maintenant sur un système à peu près uniforme. Depuis long-temps la correspondance des préfets dénonçait à l’administration supérieure l’oubli des devoirs et des prescriptions légales dans le service des départemens. Une inspection fut créée en 1833, ou du moins établie sur des bases plus larges. Son devoir était d’éclairer le gouvernement touchant la véritable situation des choses. Cette surveillance étrangère ne tarda point à dévoiler sur plusieurs points du royaume des vices très graves, que le temps et l’habitude avaient profondément enracinés dans le service des enfans trouvés. Ce service était tout simplement une forêt d’abus. Comme certains oiseaux de nuit qui évitent la lumière des grandes villes, les désordres qui n’avaient pu s’établir dans la maison des Enfans-Trouvés de Paris, au grand jour de la vigilance officielle et de la publicité, s’étaient réfugiés dans les vieux murs des hospices de la province. Ici, le mal était à la campagne : des nourrices substituaient leurs propres enfans à ceux qui leur avaient été confiés par l’administration, et qui étaient morts. Elles s’assuraient, au moyen de cette fraude, la continuation d’un paiement qui n’avait plus d’objet. Ailleurs, le désordre siégeait dans l’intérieur même de l’hospice ; c’étaient les économes et les autres employés qui envahissaient tous les bâtimens avec les jardins, et qui en chassaient ainsi les locataires légitimes. Les servans manquaient à leurs devoirs. Enfin les sœurs elles-mêmes,