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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/265

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C’est ici que nous retrouverons lord Malmesbury dans une des phases les plus curieuses et les plus originales de sa carrière diplomatique.

Lord Malmesbury avait toujours été jusque-là dans la plus grande faveur auprès du prince de Galles, qui fut ensuite le roi George IV. Il était pour lui un homme de bon conseil, et souvent consulté. Le prince lui confiait ses embarras, qui étaient toujours des embarras d’argent, et le prenait pour intermédiaire entre lui et les ministres de son père. Ses dettes étaient devenues si considérables, qu’il ne voyait plus d’autre moyen de se tirer d’affaire que d’aller voyager, et, quand M. Harris partit pour La Haye, le prince vint lui demander s’il pouvait y aller avec lui, et s’y faire présenter incognito. M. Harris eut beaucoup de peine à le détourner de ce projet. « Que puis-je faire, mon cher Harris ? disait le prince. Le roi me hait : il veut me mettre aux prises avec mon frère. Je n’espère rien de lui. Il empêchera le parlement de m’aider jusqu’à ce que je me marie. » Et comme M. Harris le pressait de se réconcilier avec son père : « C’est impossible, dit-il ; nous sommes trop loin l’un de l’autre. Le roi m’a trompé ; il m’a fait tromper les autres. Je ne puis me fier à lui, et il ne me croira jamais. »

Dans une autre conversation, M. Harris offrit au prince de proposer à M. Pitt de porter sa pension à 100,000 liv. par an (2,500,000 fr.), s’il voulait en mettre de côté la moitié tous les ans pour payer ses dettes et se réconcilier avec son père ; mais le prince restait convaincu que son père ne ferait rien pour lui. « Le roi me hait, » répétait-il sans cesse. Alors, comme M. Harris lui conseillait de se marier, il s’écria avec violence : « Je ne me marierai jamais ; ma résolution est prise. J’ai arrangé cela avec Frédéric (son frère). Non, je ne me marierai jamais ! — Permettez-moi, monsieur, répondit M. Harris, de vous dire, avec le plus grand respect, que vous ne pouvez pas avoir réellement pris cette résolution. Il faut que vous vous mariiez ; vous le devez à votre pays, au roi, à vous-même. — Je ne dois rien au roi, répliqua le prince ; Frédéric se mariera, et la couronne ira à ses enfans. »

À cette époque, le prince de Galles avait pour maîtresse Mme Fitz-Herbert, qui exerçait une grande influence sur lui. Il changea ensuite d’avis en changeant de maîtresse ; car, quelques années plus tard, lord Malmesbury allait, comme nous l’avons dit, demander pour lui en mariage la princesse Caroline.

Lord Malmesbury avait pour mission purement et simplement de demander la main de la princesse, S’il avait eu des pouvoirs discrétionnaires,