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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/268

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qui est plus jeune que moi, les ait plus que moi ? — C’est qu’elle a été élevée dans les épreuves, et elle a maintenant l’avantage d’avoir mangé son pain bis le premier. — Je n’apprendrai jamais cela ; je suis trop communicative, trop légère. — Réfléchissez seulement, et vous vous corrigerez. »

Tout le séjour de lord Malmesbury à Brunswick se passe dans ce travail d’éducation. Quand il se met en route pour l’Angleterre avec sa pupille, il continue son œuvre de chaperon. Cette pauvre princesse, sortie de son petit duché et de sa petite cour pour devenir la femme de l’héritier de la couronne de la Grande-Bretagne, fait tout l’effet d’une parvenue. Elle n’a jamais eu d’argent, et ne sait comment s’y prendre pour en dépenser. Elle est comme ces enrichis qui ont peur de se servir de leur voiture. Elle donne un louis pour des billets de loterie ; lord Malmesbury en donne dix de sa part. Puis elle appelle ses femmes : Mon cœur, ma chère, ma petite, ce qui choque beaucoup son mentor, qui la gronde. Cette fois, la princesse se pique ; mais lord Malmesbury n’y fait pas attention. Il donne de l’argent pour elle et dit tout haut « qu’il s’est acquitté de ses ordres. — C’est bien à moi, réplique-t-elle d’un air mécontent, de vous donner des ordres ! » Cependant le chaperon garde toujours le plus grand sang-froid, et la princesse, qui voit qu’elle ne gagne rien à être de mauvaise humeur, finit toujours par se calmer.

Ce malheureux lord Malmesbury est obligé de jouer jusqu’au rôle de femme de chambre. La princesse se piquait de savoir s’habiller vite ; il lui en fait un reproche. Il lui dit que le prince de Galles est très exigeant sur la toilette de propreté, dont elle n’a aucune idée, et le lendemain elle revient très bien lavée du haut en bas. Ici nous citons.

J’ai eu, dit lord Malmesbury, deux conversations avec la princesse Caroline, une sur la toilette, sur la propreté et sur la réserve dans les termes. J’ai tâché, autant que peut le faire un homme, de la convaincre de la nécessité de beaucoup d’attention dans toutes les parties de son habillement, soit en ce qui se voyait, soit en ce qui était caché. (Je savais qu’elle portait de gros jupons, de grosses chemises et des bas de fil, et encore n’étaient-ils ni bien lavés ni changés assez souvent.) … C’est étonnant comme sur ce point son éducation e été négligée, et combien sa mère, quoique Anglaise, y faisait peu d’attention. Notre autre conversation a été sur la manière légère dont elle parlait de la duchesse (sa mère), se moquant toujours d’elle et devant elle… Elle comprend tout cela, mais elle l’oublie… »

Ce fut, hélas ! en cet état, avec ces gros jupons, avec ces bas de fil,