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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/389

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Aujourd’hui l’auteur du Cartésianisme se produit surtout comme platonicien. La première partie de ses Mélanges nous offre une courte et synthétique histoire de la philosophie dont Platon est le centre. Avant Platon, suivant M. Bordas-Demoulin, il n’y avait pas de philosophie. Pythagore d’une part, l’école d’Élée de l’autre, n’ont fait que préparer les voies à la science de Socrate et de Platon. Ce qu’est l’église pour la foi, l’école de Platon l’est pour la raison ; elles portent la vérité et la conservent pure chacune dans son ordre. Armé de ce principe, M. Bordas-Demoulin ne voit plus, dans la suite de l’histoire de la philosophie depuis Platon, qu’une triple déviation par une triple altération de la théorie des idées. Nous rencontrons d’abord la déviation du panthéisme, où figurent en première ligne Zénon de Cittium, Sénèque et Malebranche. La déviation de l’idéalisme vient ensuite, et les coupables sont l’école écossaise, Kant, Fichte, M. Maine de Biran. Enfin, pour déviation dernière, nous avons le matérialisme, dont Locke et Bentham sont les principaux représentans. La vérité aura donc été souvent absente des écoles de la philosophie ? Sans doute, et cette conséquence ne trouble pas M. Demoulin. Il avoue qu’à la différence de l’église, qui subsiste continuellement, l’école de Platon périt quelquefois, et abandonne l’esprit humain à tous les égaremens des autres systèmes. « Quand l’esprit humain les a épuisés, l’école de Platon ressuscite et le rend à lui-même : c’est ce qu’on a vu aux époques de Plotin et de saint Augustin, de Descartes, de Bossuet et de Leibnitz, et c’est ce qu’on verra encore. » Que les philosophes contemporains se tiennent pour avertis : voici un platonicien vengeur qui viendra bientôt sur les idoles renversées relever les autels du vrai Dieu.

Avec Platon, M. Bordas-Demoulin se croit prémuni contre toute erreur. Par la doctrine de Platon, on ne peut aller au matérialisme, puisqu’on reconnaît la nature de l’ame et celle de Dieu dans des idées essentiellement spirituelles. Le panthéisme n’est pas plus à craindre, quand on croit avec Platon que l’ame a des idées propres et qu’elles lui constituent une substance, ce qui ne permet pas de réduire l’ame à une modification de la substance divine. Enfin on ne saurait tomber ni dans l’idéalisme, ni dans le scepticisme, lorsqu’on prend pour fondement la connaissance même de la substance de l’ame et de la substance de Dieu. Fortifié par cette manière de comprendre Platon, M. Bordas-Demoulin combat vivement l’éclectisme, qui, à ses yeux, n’est point un système, mais l’accouplement de trois systèmes ennemis. Il reconnaît que l’éclectisme a contribué à relever en France