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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/436

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dédaignent de revêtir leurs idées d’une forme attrayante ; c’est par désintéressement qu’ils négligent le côté pratique des choses et se perdent dans des théories sans application. Faute d’excuses sans doute pour expliquer la décadence du théâtre, M. Schlegel n’en parla pas.

À son départ de Vienne, M. Schlegel recommença à parcourir l’Europe avec Mmne de Staël. Les distractions du monde prirent une plus grande place dans sa vie, sans nuire toutefois à ses travaux. En 1810, il joignit à ses traductions de Shakspeare le drame de Richard III, mais ce fut le dernier : il laissa à M. Tieck le soin d’achever cette œuvre si brillamment commencée. Ce n’est pas qu’il ait voulu faire un choix dans Shakspeare, car il n’a pas traduit Othello ni Macbeth. À cette époque se rapporte un essai critique sur les travaux de Niebuhr où, sans s’effrayer de cette grande perturbation jetée dans l’histoire, M. Schlegel distinguait cependant, au milieu des découvertes de la science, les écarts de l’imagination, et sur quelques points faisait chanceler l’opinion de l’aventureux historien. L’année suivante, parut dans le Musée allemand, que dirigeait M. Frédéric Schlegel, un essai sur les Niebelungen, tombés depuis long-temps dans l’oubli. C’est de là que date la faveur qui s’est attachée, de nos jours, à la grande épopée germanique. Cette réhabilitation était à la fois, pour M. Schlegel, une question d’art et de nationalité : il y reviendra plus tard ; pour le moment, les évènemens se saisissent de lui et en font un écrivain politique. En 1812, forcé de faire un immense détour pour se rendre en Angleterre, il passa par Stockholm, où le prince royal de Suède l’accueillit avec de grandes marques de confiance. Bernadotte venait de rompre décidément avec Napoléon. M. Schlegel entreprit de faire sentir à l’Europe, et en particulier à la Suède, effrayée d’une détermination si grave, la nécessité de s’unir contre l’ennemi commun ; il montra l’égarement du conquérant comme le signe de sa ruine prochaine. Dans cet écrit, les évènemens sont jugés avec partialité, les plus grandes actions de l’empereur sont rabaissées, son génie même est méconnu ; mais, pour ce qui est des anathèmes lancés contre son ambition, on ne peut reprocher à un étranger d’avoir proclamé ce qu’à la même époque beaucoup de gens pensaient et disaient en France. Cette brochure fut suivie d’une autre intitulée : Tableau de l’Empire français en 1813. Ici le ton est moins sérieux et le sentiment moins respectable. Les alliés avaient enlevé un grand nombre d’estafettes et de courriers ; M. Schlegel fut chargé de publier les dépêches qui avaient été saisies. Il fit précéder ces pièces d’un commentaire où prit occasion de s’exercer la malignité de son esprit. Cet écrit, réimprimé