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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/511

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le jurisconsulte Warnkœnig, qui vient d’arriver de Fribourg. Il y a, d’autre part, des hommes déjà engagés dans les affaires de l’état, et faisant leur métier de politique en même temps que celui de professeur, quelquefois même quittant l’un pour l’autre : M. de Wächter, par exemple, chancelier de l’université, président de la seconde chambre, esprit fin et habile, très propre à conduire une assemblée délibérante ; M. de Mohl, le plus ferme soutien de la faculté des sciences administratives, et en même temps le plus direct de tous les héritiers présomptifs du ministère actuel, qui l’a récemment destitué pour l’avoir accusé publiquement devant les électeurs. M. de Mohl, M. de Wächter, sont en passe d’arriver au pouvoir, et modèrent le libéralisme de leurs opinions pour l’y faire entrer avec eux. M. Schlayer, au contraire, use tant qu’il peut de tout le sien pour leur mieux résister ; ministre de l’intérieur, M. Schlayer soutient ainsi presque tout le poids du cabinet vis-à-vis des chambres ; c’est encore un enfant de Tubingue, le fils d’un boulanger, que son mérite infini d’homme pratique et de parleur délié a élevé rapidement aux plus hautes positions.

Sans sortir de l’université, nous voilà donc au milieu des ambitions et des difficultés de la vie constitutionnelle ; rentrons davantage au sein de l’école, nous y trouvons un troisième groupe tout au moins aussi remarquable que les deux autres, plus jeune, plus actif, plus passionné, moins occupé de la science qu’on ne l’est dans le premier, moins réservé, moins prudent qu’on ne l’est dans le second, mais animé par des intelligences si vives et en même temps si droites, que c’est un charme de s’arrêter là. Je veux parler des hégéliens de Tubingue ; quelle que soit la violence avec laquelle on les ait attaqués, personne ne leur a contesté une réputation vite acquise de gens d’esprit et d’honnêteté ; mais ce qu’on n’a pas assez dit, et ce que j’aime surtout à dire, c’est cette fermeté de bon sens, c’est cet amour du réel, qui les a séparés à temps des folies impuissantes du nouvel hégélianisme. Il y a là trois hommes d’avenir et de talent qui me représentaient bien la situation morale de l’Allemagne nouvelle et me donnaient la plus juste idée de ce progrès qu’elle accomplit vers les choses positives : M. Vischer, le professeur d’esthétique frappé d’une suspension de deux ans, dont l’histoire a récemment occupé la presse ; M. Zeller, rédacteur de la Revue théologique la plus estimée de l’Allemagne ; M. Schwegler, qui publie ces Annales du Présent où les hégéliens de Tubingue ont rompu si net avec ceux de Halle. Par une rencontre qui n’a rien de singulier en Allemagne, ces trois maîtres en philosophie sont d’anciens théologiens, des élèves du séminaire protestant