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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/574

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de la découverte de l’embouchure du Mississipi. M. Falconer lui-même, dans un article publié par le journal de la Société royale de Géographie de Londres, avait pris ce testament pour base de sa discussion ; mais, M. Sparks ayant retrouvé depuis et mis au jour le procès-verbal authentique de la prise de possession de la Louisiane, les dates ont pu être rétablies avec une rigoureuse exactitude, sans qu’on eût besoin de rapprocher des pièces diverses.

Au moment de son départ de Frontenac, La Salle avait avec lui vingt-trois Français, dix-huit sauvages Abenakis et Loups, dix femmes indiennes et trois enfans. Il arriva aux bords du Mississipi le 6 février 1682. Le 7 avril de la même année, il reconnaissait l’embouchure du fleuve et prenait possession du pays au nom de Louis XIV. Nous venons de parler du procès-verbal dressé dans cette circonstance. Cet important document n’a encore été imprimé qu’en anglais ; il est rédigé par un sieur Jacques de la Métairie, qui s’intitule notaire du fort de Frontenac dans la Nouvelle-France, et qui avait été commissionné pour remplir les mêmes fonctions durant l’expédition de La Salle. L’acte porte quatorze signatures ; il est daté du 9 avril 1682. Il commence par relater brièvement les principaux évènemens du voyage ; puis il constate la prise de possession au nom du très haut, très puissant, invincible et victorieux prince Louis-le-Grand, avec les cérémonies d’usage. Toute la compagnie était sous les armes ; on chanta le Te Deum, le psaume Exaudiat, l’antienne Domine, salvum fac regem, et, après une décharge de coups de fusil, La Salle attacha une croix à un arbre de la rive et prononça quelques paroles qui consacraient le nouvel établissement. On enfouit ensuite en terre une plaque de plomb portant d’un côté, les armes de France, et de l’autre une inscription latine. Quelques hymnes terminèrent cette cérémonie simple et digne, moitié religieuse et moitié politique, qui ajoutait d’immenses provinces au domaine colonial de la France. Le procès-verbal donne au pays le nom de Louisiane ; comme ce nom ne se retrouve nulle part avant cette époque, il est probable qu’il lui fut donné par La Salle.

L’expédition avait atteint son but ; son chef se remit en route pour le Canada ; mais il fut retardé d’abord par une maladie dangereuse, puis par les obstacles naturels d’une route si longue, au milieu d’un pays sauvage. Il resta sur les bords du Mississipi jusqu’au mois de septembre 1683. Les archives de la marine possèdent trois lettres originales datées de cette époque. La Salle regagna Québec vers le commencement de l’automne ; il s’embarqua bientôt pour la France, et le 18 décembre il rentrait à La Rochelle.

Colbert, dont il avait reçu sa mission, venait de mourir ; son fils, le marquis de Seignelay, occupait le poste de ministre de la marine. Ce fut à lui que La Salle adressa deux mémoires, l’un sur ses découvertes, l’autre sur le projet d’une nouvelle expédition.

La Salle proposait à M. de Seignelay de se rendre par mer dans le golfe du Mexique, de reconnaître l’embouchure du fleuve qu’il avait descendu, de profiter de l’irritation que le dur gouvernement de l’Espagne avait produite sur les Indiens, pour lui enlever une province en s’avançant vers Mexico,