Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/631

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenu de répondre celui qui ose soutenir que la science absolue est possible à l’homme. Or, cette question, Schelling ne la résout pas, et ne peut pas la résoudre. Le voilà convaincu d’inconséquence. Il a proclamé le principe de l’identité de la pensée et de l’être, il l’a dégagé du caractère relatif et subjectif qui le défigurait dans Fichte et dans Kant, mais il n’a pas osé le développer avec rigueur. Aussi sa philosophie ne s’est-elle soutenue que par des hypothèses ou par des emprunts déguisés qu’il a faits à l’expérience.

Hegel met sa gloire à être plus conséquent et plus hardi que son devancier, et il prétend tirer du principe de l’identité ce que Schelling ni aucun philosophe n’a jamais pu lui faire rendre, une science du développement des choses.

La pensée et l’être, c’est tout un. A quoi bon deux mots pour exprimer une essence unique ? Ne disons pas la pensée, l’être, disons l’idée. L’idée, voilà le dieu de Hegel ; le développement de l’idée, voilà la réalité ; la connaissance de ce développement, voilà la science. La science de l’idée s’appelle la logique, et ainsi la métaphysique et le logique se confondent.

Grace à cette identité vraiment absolue, la science devient possible. Elle se réduit, en effet, à déterminer les rapports nécessaires des idées. Dans la théorie de Schelling, on était réduit soit à s’appuyer sur l’expérience pour décrire le mouvement de l’être dans la nature, ce qui ne donnait pas une véritable science, ou à donner carrière à l’imagination, et à présenter des hypothèses déguisées sous le beau nom d’intuition intellectuelle. Cela tenait à ce que l’essence du premier principe restait indéterminée, et à ce que l’on admettait une distinction arbitraire entre les objets de la pensée et la pensée elle-même. Maintenant que nous savons que le premier principe, c’est l’idée, et que la nature et l’humanité ne sont autre chose que le développement de l’idée, les lois de l’idée étant connues, la science est trouvée.

On demandera comment les lois de l’idée peuvent être déterminées. Hegel répond à cette question par sa logique, qui est la détermination scientifique des lois de l’idée. Hegel ne donne pas ces lois comme une découverte accidentelle de son génie. Ces lois sont partout, dans la conscience de tout homme, dans la nature, dans l’histoire. Elles se déduisent toutes, au surplus, d’une loi unique et fondamentale, la loi de l’identité des contradictoires. Suivant Hegel, toute pensée, tout être, toute idée renferme une contradiction, et non-seulement cette contradiction existe dans les choses, mais elle les constitue. La vie est