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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/693

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Pour ma femme chérie, Élisabeth Cromwell, au Poulailler, cette lettre.

« Édimbourg, 3 mai 1651.

« MA BIEN-AIMÉE,

« Je n’ai pu me décider à laisser partir ce courrier sans en profiter, quoique j’aie peu de chose à écrire ; mais en vérité j’aime à écrire à ma chérie qui est au fond de mon cœur. Je me réjouis d’apprendre que son ame prospère : que le Seigneur augmente de plus en plus ses faveurs envers toi ! Le grand bien que ton ame puisse désirer, c’est que le Seigneur jette sur toi la lumière de sa face, ce qui vaut mieux que la vie. Que le Seigneur bénisse tous tes bons conseils et ton bon exemple à tous ceux qui t’environnent ; qu’il entende toutes tes prières et qu’il te soit toujours propice.

« Je suis bien aise d’apprendre que ton fils et ta fille sont auprès de toi. J’espère que tu trouveras quelque occasion de donner de bons conseils à lui. Présente mon respect à ma mère et mes amitiés à toute la famille. Prie toujours pour ton

« OLIVIER CROMWELL. »


La bataille de Worcester met le dernier sceau à cette série de victoires si chèrement achetées, et l’Écosse, comme l’Irlande, est enfin réduite. Il revient à Londres, où tout se prosterne devant le dictateur. Après l’avoir suivi dans cette redoutable carrière, non-seulement on ne s’étonne pas de le voir maître, mais on admire qu’il ne se soit pas déclaré plutôt souverain de la Grande-Bretagne. Grace aux lettres et aux documens recueillis par Thomas Carlyle, nous n’avons pas perdu un des mouvemens de l’athlète puritain.

C’est là un bon travail, et qui manquait. Le verbe de l’homme supérieur le montre tout entier ; c’est une partie, et peut-être la plus intime, de son action. Malheureusement Carlyle, ne se contentant pas de ce travail, a trouvé carrière pour son humorisme ; dans les intervalles, il a jeté ses commentaires, ses bizarres explications, souvent ses facéties.

Avec un tel plan et de telles idées, on doit bien penser que M. Carlyle n’estime et n’admire pas Charles Ier, Fairfax, rien de ce qui n’est pas Cromwell ; il ne voit que Cromwell. Il jette à flots la lumière sur cet homme, ou plutôt il l’inonde de lumière ; tous les autres objets s’effacent, les proportions disparaissent. A peine la mort de Charles Ier est-elle indiquée de la façon la plus cursive et la plus rapide. Rien n’existe que Cromwell. Les opinions de d’Israëli, d’Hallam, de Burnet, ne sont pas même discutées. Tous les collecteurs de notes, de documens et de mémoires sont balayés à la fois sous le nom de