Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/699

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lentement jusqu’aux plaines de Partinico, portait jusque sur la plage ses champs couverts de riches moissons ou de forêts d’oliviers. A l’ouest, au contraire, le mont Baïda s’élevait brusquement du rivage et jetait jusqu’au cap de Santo-Vito sa chaîne de rochers arides, tandis qu’au fond du golfe le mont Inici semblait sortir de la mer même et regretter l’étroit espace qu’il abandonnait à la ville tapie au pied de ses rampes grisâtres.

La brise nous avait quittés : les bras de nos matelots la remplacèrent, et, tandis que sous les coups cadencés de leurs rames la Sainte-Rosalie marchait plus lentement vers Castellammare, nous pûmes observer à loisir un spectacle assez curieux qui nous avait déjà frappés à notre arrivée en Sicile. Dans toute son étendue, l’horizon était d’une pureté parfaite ; nulle part la plus légère vapeur n’affaiblissait l’azur foncé du ciel, et cependant, en face de nous, vers le tiers supérieur du mont Inici, des nuages aux formes changeantes rampaient sur les flancs de la montagne, disparaissaient par instans pour se reformer sur un autre point au bout de quelques minutes, et parfois se détachaient des rochers, où ils semblaient prendre naissance, en formant une bande étroite qui ne tardait pas à s’évanouir.

Les lois générales de la physique expliquent facilement ce phénomène, qui peut surprendre au premier abord. L’eau, ce liquide presque aussi nécessaire que l’air lui-même à l’existence des êtres organisés, se mêle à notre atmosphère de deux manières différentes. Tantôt elle devient entièrement invisible par suite d’une véritable dissolution, et alors les instrumens connus sous le nom d’hygromètres sont nécessaires pour nous en révéler l’existence tantôt, au contraire, ses molécules réunies en petites sphères creuses flottent en l’air comme autant de ballons microscopiques, et, par leur réunion, forment ces vapeurs visibles que nous appelons brouillards ou nuages. Un simple refroidissement suffit pour faire passer subitement la vapeur invisible à ce dernier état ; car, comme tous les autres gaz, l’air froid ne peut dissoudre autant d’eau que l’air chaud. Or, quand les rayons du soleil frappent les flancs nus d’une montagne escarpée, la réverbération agit rapidement sur les couches d’air environnantes. Devenues à la fois plus humides plus légères, elles s’élèvent le long de ce plan incliné, en formant de véritables courans ascendans. Arrivée à une certaine hauteur, elles perdent leur excès de calorique, et alors la vapeur invisible revêtant la forme vésiculaire, se montre tout à coup aux yeux de l’observateur ; mais de nouvelles quantités d’air chaud affluent sans cesse, se mêlent aux couches froides de ces régions