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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/730

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n’y a-t-il pas aussi un Cobden, un Bright et un Radnor ? Il ne nous appartient pas de rechercher si ces hommes sont bons ou méchans ; il nous suffit de savoir qu’ils font une œuvre bonne et morale dans l’intérêt de la nation. (Applaudissemens.)

« Il est une classe de personnes dont je voudrais parler, parce que vous en avez quelques-uns parmi vous, pauvres gens, qu’il faut plaindre, parce qu’ils craignent, là où la crainte ne devrait pas exister. Il craignent d’être renvoyés de leur travail et chassés de leur maison ; ils ont peur de tel homme puissant, ou de tel autre également puissant, ou de tel autre encore ; ils redoutent la furie de l’oppresseur. N’ayez pas peur, mes pauvres compagnons, car l’Écriture dit : « Toute langue qui prononcera contre toi une sentence, tu la condamneras. » Levons-nous donc, mes compagnons, pour demander de bonnes lois, la liberté et l’égalité. Je ne porte pas envie à l’homme riche à cause de ses richesses ; mais n’est-il pas déraisonnable et arbitraire que le riche possède exclusivement et absolument le pouvoir d’envoyer au parlement les membres qui doivent faire les lois ? Lorsque tout homme doit obéir à toute loi qui est rendue, tout homme ne devrait-il pas être consulté ? Et maintenant, un mot ou deux aux protectionistes. A quoi leur sert de défendre les lois sur les grains, après qu’il a été démontré que ces lois ne leur étaient d’aucun avantage ? Mais ils se laissent conduire par le duc de Buckingham et par d’autres, tout comme cet ours que des italiens mènent par les rues et qu’ils taillent ensuite en pièces pour en faire de la graisse d’ours, quand il leur a rapporté assez d’argent. C’est ainsi que l’on traite le pauvre fermier, et que le pauvre laboureur est conduit à la misère et à la ruine. »


« On prétend, dit un autre laboureur, que la liberté du commerce empirerait notre situation. Je ne crois pas que cela soit possible, et je voudrais en tout cas que l’on en fit l’expérience. J’ai entendu dire que, dans les siècles passés, les journaliers avaient pour nourriture du pain, du beurre, du fromage, du bœuf, du porc, et pour boisson de la bière ; maintenant nos alimens sont des pommes de terre de mauvaise qualité avec du sel. Je rends souvent grace au ciel de ce qu’il a, dans sa bonté, semé autour de nous les torrens et les ruisseaux en abondance, et de ce que la griffe de l’impôt n’y est pas marquée. »

« Qui a de l’argent ici ? s’écrie un troisième. Personne peut-être ! — Voilà cinq semaines, répond quelqu’un du plus épais de la foule, que je n’ai possédé un liard. » Un quatrième produit son budget de l’année, qui donne cinq shillings et demi (7 fr. environ) à répartir par semaine entre huit personnes. Un cinquième apporte une pomme de terre noire de pourriture, et dit : « Voilà de quoi se nourrit ma famille ; les porcs n’en voulaient pas. »


La résignation touchante que respirent ces plaintes annonce une