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de famille, libéral par le cœur, il a cédé avec moins d’empressement que beaucoup d’autres aux facilités, aux séductions, aux menaces, avec lesquelles la diète de Francfort a successivement introduit la pratique du pouvoir absolu chez les petits souverains constitutionnels de l’Allemagne ; il n’a jamais été au-delà du despotisme éclairé. Aussi, parmi ces singuliers conspirateurs d’avant 1830, qui rêvaient de fondre une république allemande avec un saint empire, il en était, qui comptaient secrètement sur le roi de Wurtemberg pour en faire leur nouveau César ; celui-ci se savait entouré de cette popularité mystérieuse, et dérangeait le moins possible la charte qu’il avait volontairement donnée. Il ne recula décidément que devant le flot démagogique soulevé dans toute l’Allemagne par la révolution de juillet ; l’âge le gagnait ; il crut les couronnes menacées, et résolut de mettre la sienne sous la tutelle des hautes puissances ; il était mal instruit du reste à subir leurs lois. Quand après 1815 elles avaient voulu, de congrès en congrès, limiter ou suspendre les droits naturels des états de second ordre, sous prétexte de poursuivre les factions révolutionnaires, le roi Guillaume avait protesté par note formelle auprès de toutes les cours. Offensées d’une dissidence si marquée, la Russie, la Prusse et l’Autriche rappelèrent leurs ambassadeurs au mois de février 1823, et punirent ainsi le prince qui leur avait déplu, en le mettant au ban de la sainte-alliance. Il supporta noblement cette honorable disgrace, et, lors même qu’il eut fini par céder quelque chose de son premier ressentiment, il demeura toujours, malgré les liens de la parenté, l’un des plus fermes adversaires de la politique russe en Allemagne. On conçoit facilement qu’il ne ressente pas plus de goût pour l’Autriche, dont le patronage catholique n’est pas encore tout-à-fait oublié dans la Haute-Souabe. A l’endroit de cette province d’accession nouvelle, il a les susceptibilités inquiètes d’un maître de fraîche date, et le voisinage des grandes officines ultramontaines de la Suisse lui est d’autant plus odieux, qu’il sert de point d’appui aux influences autrichiennes sur tout ce côté-là. Aussi, dernièrement encore, à propos des troubles de Lucerne, il faillit rompre en visière avec le cabinet de Vienne, et l’on eut grand’peine à obtenir de lui qu’à l’instar de toutes les puissances limitrophes, il envoyât un corps d’observation sur les bords du lac de Constance. Sa réserve accoutumée ne l’abandonne guère qu’au sujet des menées jésuitiques, et il ne cachait pas en ce temps-là qu’il eût volontiers parlé comme M. Thiers, et pris même position que lui vis-à-vis de cette triste échauffourée. Tel est le prince auquel l’aristocratie féodale a déclaré, dans ces dernières années, une