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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/892

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que des hommes très grands et très sages, même très honnêtes, ont jugée commune et presque idiote, — l’idée de me faire aider par des instrumens qui eussent les mêmes vues que moi. Je vais vous dire toute la vérité : j’avais alors un ami, homme très estimable, — une très noble personne, — dont la mémoire, j’en suis sûr, est chère à tous, — M. John Hampden. Quand nous commençâmes cette entreprise, je vis que nos hommes étaient partout battus. Je le vis, et je demandai que l’on ajoutât quelques régimens à l’armée de milord Essex ; je lui dis que je pourrais y mettre des hommes qui, selon moi, auraient en eux l’Esprit qu’il fallait pour avancer un peu l’œuvre. C’est très vrai ce que je vous dis ; Dieu sait si c’est vrai ! — « Vos soldats, lui dis-je, sont la plupart de vieux domestiques, des garçons d’auberge et de telles gens ; — et, quant à nos ennemis, ce sont fils de gentilshommes, cadets de famille, hommes de qualité, et croyez-vous que les courages de personnes de ce genre seront de force contre des cavaliers ayant honneur, bravoure et résolution ? » - En vérité, je lui représentai cela selon ma conscience, et je lui dis : — « Il faut que vos hommes aient un Esprit, — ne prenez pas en mal mes paroles, -un Esprit qui aille aussi loin que peuvent aller ces gentilshommes, sans quoi vous serez battus, toujours battus ! » - Réellement, je lui dis cela. C’était un homme prudent et honorable, et il me répondit que j’avais une bonne idée, mais qu’elle était impraticable. Je repris que je pourrais l’y aider tant soit peu, et je le fis. Et en vérité il faut bien que je le dise, — attribuez-le à qui vous voudrez ! — je réussis à enrégimenter des hommes qui avaient la crainte de Dieu devant les yeux et de la conscience dans ce qu’ils faisaient, et depuis ce jour jusqu’à présent ils ne furent jamais battus, mais toujours battans, dès qu’ils se mettaient de la partie ! Et vraiment il y a là de quoi louer Dieu, et cela peut vous apprendre à choisir ceux qui sont religieux et saints. Et il y en a tant, parmi eux, de paisibles, d’honnêtes, prêts à vivre sous un gouvernement réglé, à obéir, aux magistrats et aux autorités, selon la loi de l’Évangile ! De la sainteté ! non, il n’y en a pas, je n’en reconnais pas hors de ce cercle ! Sans l’esprit d’ordre et de discipline, que l’on dise ce que l’on voudra, il n’y a qu’esprit diabolique, démoniaque et qui vient des profondeurs de Satan ! »

Ainsi s’explique Cromwell devant le parlement sur les événemens de sa vie. Rien n’est moins obscur. Il mérite d’être roi, selon lui, et il l’est devenu pour avoir donné une ame à l’armée protestante et créé l’esprit des troupes populaires. Il soutiendra jusqu’à la mort l’ordre et la discipline d’une part, la liberté calviniste de l’autre.

C’est à propos de cette obscurité prétendue des discours tenus par