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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 13.djvu/941

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FLORINE.

Y pensez-vous, messieurs ? — Vous oubliez que vous n’êtes pas chez vous.

LE DUC.

Au contraire, ma belle, nous nous en souvenons. — A combien la fiche, monsieur le chevalier ?

LE CHEVALIER.

A un louis, pour commencer.

FLORINE.

Messieurs, de grace…

LE CHEVALIER.

Si tu dis un mot de plus, Florine, l’on te fera embrasser M. de Vaudoré, qui est aujourd’hui dans un de ses beaux jours de laideur.

FLORINE.

Je vous cède la place, et vais informer ma maîtresse de ce qui se passe.

LE DUC.

Ce serait vraiment un meurtre de laisser prendre à une aussi jolie fille que Célinde des habitudes sauvages et gothiques ; maintenons-la malgré elle dans la bonne route, et ne lui laissons pas perdre les traditions de la belle vie élégante.

LE CHEVALIER.

La voici elle-même ; notre obstination a produit son effet.


SCÈNE II.
LES MÊMES, CELINDE.
LE DUC.

Ma toute belle, vous voilà donc enfin : vous voyez ici un duc, un marquis, un commandeur, un chevalier, et même un financier, qui se meurent de votre absence. D’où vous vient cette cruauté tout-à-fait hyrcanienne, qui vous rend insensible aux soupirs de tant d’adorateurs ? — Ce pauvre chevalier en a perdu le peu de sens qu’il avait ; il se néglige, ne se fait plus friser que trois fois par jour, et porte la même montre toute une semaine.- C’est un homme perdu.

CÉLINDE.

Monsieur, cessez vos plaisanteries, — je ne suis pas d’humeur à les souffrir, — et dites-moi pourquoi vous restez chez moi de force et malgré mes ordres ? Est-ce parce que je suis danseuse et que vous êtes duc ?

LE DUC.

La violence de mon désespoir m’a rendu impoli. Je n’avais pas d’autre moyen ; je l’ai pris.