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le Danemark a défendu comme il a pu l’intégrité de la monarchie danoise : on a fait une question de texte d’une question de bon sens pratique Les écrits se sont multipliés à l’infini dans un sens ou dans l’autre, et comme il convenait naturellement en pareil cas et avec de pareils jouteurs, les considérations politiques ont tenu bien moins de place que les dissertations sur le droit féodal[1] Quoi qu’il en soit, le peuple allemand, ses universités, ses journaux, ses représentans, tous délaissent en ce moment les intérêts plus positifs dont ils étaient hier préoccupés et je jette sur ce nouveau débat avec cet entrain singulier, avec cette véhémence inquiète, qui depuis quelques temps sont au fond des esprits. Ce bruit unique domine les mille bruits qui couraient dans la foule : princes et sujets s’entendent ; il faut arracher à la domination danoise les frères qu’on a dans les duchés. D’autre part, les Allemands des duchés répondent de leur mieux à ces démonstrations enthousiastes ; l’université de Kiel affecte, vis-à-vis de la cour de Copenhague, une ferme attitude de résistance, les états provinciaux donnent le branle aux résolutions énergiques, et, si quelques décision effective du cabinet danois heurtait plus rudement qu’on ne l’a fait encore cette universelle pensée d’émancipation, l’on ne peut savoir aujourd’hui ce qui s’ensuivrait. Au seul aspect des duchés, on se croirait à la veille d’un jour de violence. D’où vient donc cette soudaine excitation de l’Allemagne, qui la distrait si prodigieusement de tant d’autres ? D’où vient aussi, chez les habitans du Schleswig et du Holstein, cette antipathie si profonde pour un état de choses dont ils s’accommodaient encore il y a douze ou quinze ans, et qu’au dire des Allemands eux-mêmes ils avaient pris alors en grande affection ? Il faut éclaircir ces deux points ; c’est en les saisissant bien qu’on tient le nœud de toute l’affaire.


I.

L’empressement de l’Allemagne au sujet de la succession danoise s’explique par les différentes causes que voici une raison de droit féodal, qui n’est qu’un prétexte érudit ; une raison de nationalité, prétexte sentimental, une raison ici mal entendue d’intérêt européen, la crainte

  1. Nous citons ici les ouvrages à consulter : d’abord le texte des débats parlementaires de 1844, où le droit de succession dans les duchés fut pour la première fois officiellement mis en cause ; — puis les écrits d’hommes distingués comme Dahlmann l’historien, le juriste Michelsen, Falk, Samwer, tous dévoués à la cause germanique ; — enfin, dans le sens danois, une brochure déjà plus ancienne et publiée en français : Essai shistorique sur la question de succession du royaume de Danemark, et analyse de droit quant aux duchés de Schleswig et de Holstein, par le baron de Dirkink Holmfeld.