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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1079

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qui les en empêcha, et qui parvint à nous les concilier. Il n’y eut pas un sacrifice que nous lui demandâmes qu’il ne se montrât toujours prêt à nous faire. Nous le sollicitâmes encore de nous prêter, pendant la durée de nos opérations en Afghanistan, sa forteresse de Bakkar. L’orgueil de l’amir se révoltait à la pensée d’une pareille humiliation de ses sujets. C’est le cœur de mon pays, s’écriait-il, il y va de mon honneur d’en remettre la garde en des mains étrangères. Toute sa famille le supplia avec prières et avec larmes de résister à cette demande, tous l’accablèrent de reproches quand ils le virent prêt à céder à nos instances ; mais son amitié pour les Anglais l’emporta sur toute autre considération. Il nous prêta sa forteresse… Hélas ! Nous ne comptions jamais la lui rendre.

Ce sont de telles concessions qui faisaient dire à Burns, parlant de l’amir Roustam : «  Je n’ai jamais douté de la sincérité de son dévouement à notre égard, mais je ne m’attendais pas à l’obstination avec laquelle il en a donné la preuve. » Comment l’Angleterre reconnut-elle ce dévouement ? La réponse est tout entière dans une phrase significative du Bombay Courier « Nous étions une grande nation, et une alliance avec nous lui paraissait un honneur Il nous croyait une nation généreuse, et il vécut assez long-temps pour découvrir son erreur. » Les déceptions, en effet, ne se firent pas attendre.

Un nouvel envoyé de l’Angleterre avait remplacé Burns et Pottinger auprès de l’amir. M Ross Bell avait été nommé chargé d’affaires dans le Sind. Pendant quelque temps, il continua à traiter Roustam comme Burns et Pottinger l’avaient fait avant lui, c’est-à-dire avec les égards qu’il méritait. Malheureusement M. Ross Bell appartenait à cette école politique qui n’est jamais heureuse qu’au milieu de l’agitation, et qui sacrifierait tous les principes de la morale à un succès diplomatique. Sa vanité fut d’abord blessée de ne pas trouver chez Mir Roustam la capacité suffisante pour apprécier les mille projets ambitieux qui naissaient dans son cerveau, il se montra bientôt froid et réservé. De là à l’injustice et à la haine il n’y avait qu’un pas. Un tentateur se trouva près de M. Ross Bell. Ce tentateur, adroit, perfide, ambitieux, qui, aspirant à succéder à l’amir, l’entourait d’un réseau de calomnies et d’intrigue, ce fut Ali-Mourad, le plus jeune frère de Roustam. M. Ross Bell prêta l’oreille à ses conseils. Les actes et les intentions de l’amir de Khyrpour furent dès lors présentés sous un faux jour dans les rapports du chargé d’affaires anglais, empreints d’un vif esprit de dénigrement : Ali-Mourad n’épargna pas l’argent pour répandre des calomnies et pour acheter de faux témoignages. Bref, la malveillance intéressée d’un chef de l’armée anglaise conspirant avec l’ambition de M. Ross Bell, la ruine de Mir-Roustam fut bientôt décidée, il ne manquait plus pour la consommer qu’un prétexte. Le contre coup des désastres de l’Afghanistan vint le fournir.

« Dès qu’on apprit dans le Sind la nouvelle de la catastrophe de Caboul (nous citons encore ici le Bombay Courier), des émissaires afghans se répandirent dans tout le pays, prêchant la révolte et appelant les populations à tirer l’épée pour la défense de l’islam et l’extermination des infidèles. On intercepta des lettres qui excitaient le peuple du Sind à la trahison Ces lettres paraissaient dictées par les amirs et étaient revêtues de leurs sceaux d’office. Enfin l’une de ces missives, adressée à Shere-Sing (un chef insurgé), portail le cachet de Mir-