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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1086

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must be sold[1]. C’est là une de ces singularités de l’administration militaire anglaise qui choque toutes les idées généralement reçues en France. Pour la bien comprendre, on est obligé de remonter à l’organisation même de l’armée britannique, et de se rappeler les élémens dont celle-ci se compose. On conçoit alors qu’avec le mode de recrutement en usage chez nos voisins, qui consiste à embaucher tous les mauvais sujets du pays, le système du partage des prises soit indispensable pour stimuler l’ardeur du soldat et surtout pour maintenir le respect de la discipline au moment de la victoire. Quand le soldat est tiré des classes les plus corrompues de la population, quand il n’y pour lui ni gloire ni avancement à espérer, il faut bien lui trouver quelque mobile qui supplée au sentiment de l’honneur et aux élans de l’ambition. Toutefois, si cette rapacité nous étonne peu quand nous la trouvons dans les rangs infimes de l’armée, nous avouerons qu’elle nous surprend beaucoup quand elle se montre dans les grades supérieurs, parmi des officiers d’élite, mandataires choisis de leurs camarades ; c’est-à-dire exclusivement parmi des gentilshommes. C’est à ne plus y croire, et, comme le dit fort bien le Bombay-Courier, cela ne fait pas honneur à la chevalerie du dix-neuvième siècle.

Nous demanderons maintenant aux écrivains timorés du Morning-Chronicle, du Times et de tant d’autres journaux qui prennent un si vif plaisir à jeter de la boue sur l’écusson de la France, comment ils osent encore parler de nos razzias en Afrique après avoir lu les tristes révélations des journaux anglais de l’Inde ? En Afrique, du moins, ce ne sont que des troupeaux et des armes que l’on enlève sur le champ de bataille, à la pointe du sabre et dans la chaleur du combat, tardives représailles exercées contre un ennemi auquel nous avons pardonné cent fois ; mais l’on ne nous a point vus dépouiller nos alliés, ni, lors de la prise d’Alger ou de Constatnine, tracer un cordon autour de chaque maison pour en faire sortir les femmes une à une et leur arracher jusqu’à leurs bijoux et leurs vêtemens. Nos plus durs vétérans, comme nos conscrits d’hier, eussent été les premiers à les défendre. Nous laissons de pareils traits à la pliilanthropique Angleterre.


COMTE EDOUARD DE WARREN.

  1. Bombay-Courier, 2 juin.