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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1093

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indifférence pour les mariages des princes et des princesses, pourquoi s’exprimer avec autant d’amertume sur un fait aussi simple que l’union d’une infante d’Espagne avec un prince français ? Le Times reconnaît que la cour de Saint-James ne saurait poser en principe que les Bourbons de France et d’Espagne ne devront jamais contracter d’alliances matrimoniales. Qu’il ne s’irrite donc plus si fort de voir la France suivre une politique qui, chez elle, est historique, et n’a rien d’offensant pour la dignité et les intérêts légitimes d’aucun peuple.

La force des choses ramènera toujours les relations de la France et de l’Angleterre au point d’une indépendance réciproque sur des questions importantes et cette indépendance est très compatible avec une alliance sincère et solide. L’Espagne est-elle le seul théâtre où les deux cabinets de Saint-James et des Tuileries aient une politique différente. En Orient, en Grèce notamment, les deux gouvernemens ne montrent-ils pas des tendances distinctes ? A Athènes. M. Piscatory, qui mérite d’être cité parmi les diplomates distingués qui datent de 1830, soutient avec fermeté les traditions et l’indépendance de la politique française. Cependant il n’a à coup sûr ni la pensée, ni la mission d’amener une rupture avec l’Angleterre, mais il a su distinguer avec tact et maintenir avec une judicieuse énergie la limite où doivent s’arrêter les complaisances envers un allié. Les encouragemens de tous les hommes impartiaux et ceux même des membres les plus éclairés de l’opposition ne manqueront pas à M. le ministre des affaires étrangères, s’il entre, s’il persévère dans la voie d’une politique plus décidée en ses allures, et partant plus féconde en résultats.

C’est surtout dans un temps comme le nôtre qu’il importe à la France d’être représente par une diplomatie habile et forte. Plus la France a convaincu l’Europe qu’elle voulait le maintien de la paix générale, plus elle peut et doit défendre partout sa juste influence. Le cabinet du 29 octobre a eu l’avantage, dans de graves circonstances, d’utiliser des talens remarquables, et il a pu éprouver de quelle ressource est dans les affaires la distinction personnelle de tel ou tel agent. Il nous semble que pour M. le ministre des affaires étrangères le moment serait venu d’accomplir des réformes désirables dans le personnel de notre diplomatie, et de la fortifier par des choir judicieux ? L’instant serait favorable pour un pareil travail, long-temps ajourné, long-temps attendu. L’absence des chambres permet à M. Guizot de porter son activité sur les détails de son département. Elle l’affranchit aussi, jusqu’à un certain point, des embarras qu’entraînent avec elles les influences, les exigences parlementaires.

Quelques correspondances d’Afrique ont répandu des alarmes qui nous paraissent prématurées. Il est vrai qu’Abd-el-Kader s’agite dans le Maroc ; mais il n’est pas probable qu’il veuille et puisse entreprendre quelque chose de sérieux avant l’hiver La crainte d’être surpris, comme il y a un an, par une sorte d’insurrection générale, éveille et surexcite aujourd’hui des inquiétudes qui, au surplus, sont préférables, à une trop grande sécurité. En ce moment, c’est l’empereur de Maroc que menace Abd-el-Kader, et Abderrhaman a ordonné à son fils Muley-Mohammed, ainsi qu’au gouverneur du Rif, Ben-Abou, de se porter au-devant du marabout usurpateur. Les événemens, quels qu’ils soient, ne nous prendrons pas au dépourvu, et notre frontière, du côté du Maroc, est à l’abri d’une surprise. D’autres faits qui se passent en Algérie attirent aujourd’hui l’attention du gouvernement. On peut se rappeler qu’en 1844 il fut rendu une ordonnance