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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/1099

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l’occasion d’un concile général convoqué d’abord à Mantoue, puis Vienne, par le pape Paul III, que les lettres de Jean Hus, recueillies jadis par son ami, le notaire Pierre Maldonewitz, furent traduites du bohémien en latin, et publiées pour la première fois. L’illustre traducteur, Martin Luther, « avait pour but, disait-il, de rendre plus prudens et d’instruire, par les jugemens tyranniques du concile de Constance, tous les théologiens qui, à l’avenir, seraient appelés à siéger dans les conciles de l’église romaine. » Ces lettres, dont M. de Bonnechose vient de donner une traduction française, sont divisées en deux séries. L’une comprend les années pendant lesquelles Hus fut interdit et exilé de Prague ; l’autre, beaucoup plus intéressante, s’étend depuis son départ pour le concile de Constance jusqu’à son supplice.

Jean Hus, né dans une ville de Bohême, en 1373, et devenu prêtre et prédicateur de l’église de Bethléem, à Prague, en 1400, commença vers 1490, à s’élever avec force contre la vente des indulgences et à flétrir les vices du clergé et des moines, qui l’accusèrent alors de prêcher sur l’eucharistie des doctrines peu orthodoxes. Dénoncé au pape Alexandre V, devant lequel il refusa de comparaître, il fut interdit, mais n’en continua pas moins de prêcher et d’officier. Cité ensuite au concile général, qui devait se réunir à Constance à la fin de 1414, il partit de Prague au mois d’octobre, muni d’un sauf-conduit de Sigismond, et escorté par deux seigneurs de Bohême, Jean de Chlum et Henri de Latzenbock. Résigné d’avance au destin qui l’attendait, et sachant fort bien, comme il le dit lui-même, qu’il allait au-devant de nombreux et de mortels ennemis, il dédaigna les avertissemens de ses amis, qui lui prédisaient et la trahison de Sigismond et une condamnation inévitable. Pendant la route, il fut parfaitement accueilli par les populations des pays qu’il traversait. « Dans toutes les villes où nous avons passé, écrivait-il à ses amis, nous avons été honorablement traités, et nous avons affiché des déclarations en latin et en allemand. L’évêque de Lubeck, qui nous précédait, et qui avait une nuit d’avance sur moi, publiait partout sur la route qu’on me conduisait enchaîné dans un chariot. Aussi, lorsque nous approchions de quelque ville, la foule accourait au-devant de nous comme à un spectacle, mais ce mensonge a tourné à la confusion de mes ennemis. » Hus arriva à Constance au commencement de novembre, et jouit d’abord de toute sa liberté ; mais à la fin du même mois, après avoir assisté à une réunion de cardinaux rassemblés chez le pape, et malgré les énergiques protestations de Jean Chlum, qui invoqua en vain le sauf-conduit donné par Sigismond, il fut conduit chez le chantre de la cathédrale de Constance gardé à vue, et, un mois plus tard, jeté dans une prison du monastère des dominicains, où il tomba dangereusement malade. L’empereur, averti de cette arrestation, se montra d’abord indigné, mais il se laissa bien vite persuader que le concile avait le droit de le dégager d’une promesse faite illégitimement à un hérétique, et abandonna complètement Jean Hus.

Au mois de mars suivant, le malheureux prisonnier fut transféré dans la forteresse de Gotleben, où ne tarda pas à être aussi renfermé l’un de ses plus ardens persécuteurs, le pape Jean XXIII, que venait de déposer le concile ; rapprochement singulier qui donna lieu à une foule d’écrits satiriques. Toujours malade, manquant souvent du nécessaire, environné d’espions, Hus n’avait d’autre consolation que de composer des traités théologiques, des vers latins