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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/279

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n’étaient que ses assesseurs, un réquisitoire qui énumérait tous les chefs d’accusation.


« Il est notoire (disait le fiscal) que Montigny et son frère le comte de Horn, avec le prince d’Orange, le comte d’Egmont, le marquis de Berghes et d’autres seigneurs, sont tombés d’accord de conspirer, machiner et établir une certaine ligue avec un serment très étroit, spécialement et expressément contre un ministre principal de sa majesté, mais d’une manière cachée et en réalité contre le service et au préjudice de son autorité et souveraineté, en sorte qu’il fut résolu de faire violence à ce ministre dans sa personne, ou au moins de le faire renvoyer des Pays-Bas,… pour ainsi se rendre maîtres absolus, ou au moins s’emparer du gouvernement,… en quoi ledit Montigny et les autres ont commis le crime formel de lèse-majesté, alors même que ladite machination n’aurait eu d’autre effet que d’entraîner la retraite de ce ministre, afin de priver sa majesté de ses services et de venir à bout de leurs pernicieux desseins… Ils ont ensuite formé une autre conspiration tendant, entre autres choses, à faire supprimer les principaux conseils du gouvernement pour attirer au conseil d’état la connaissance des affaires, tant de la justice, des graces et rémissions que des finances, et pour qu’en général les sceaux et l’autorité sur toutes les affaires fussent mis entre leurs mains, par quoi lesdits conseils sont tombés dans un grand mépris,… chose qui tendait ouvertement à la rébellion, d’autant plus qu’en même temps on destituait de bons et louables magistrats, on leur en substituait de mauvais, on abrogeait les bonnes lois et ordonnances,… et, désirant en outre attirer à leur dévotion le peuple, déjà grandement troublé par leurs mauvais manèges et propos, ils ont répandu dans beaucoup de lieux que sa majesté voulait introduire en ce pays l’inquisition d’Espagne,… et sa majesté ayant ensuite envoyé à la duchesse de Parme ses lettres du 17 octobre 1565 pour faire continuer ladite inquisition et assurer l’exécution des édits,… ledit Montigny, entre autres propos par lui tenus, a écrit à Alonso de Loo, secrétaire du comte de Horn, que tout le monde se scandalisait d’une pareille résolution de sa majesté, surtout en ce qui touchait à l’exécution des édits,… et, au moyen de tels et semblables propos semés et répandus par ledit Montigny et ses confidens, le peuple, sollicité déjà depuis long-temps par les domestiques et les agens de ces seigneurs, a commencé à se lever de toutes parts,… et on entendait retentir les clameurs les plus étranges et les plus épouvantables, non-seulement contre l’inquisition et les édits, mais aussi contre le gouvernement, la police et l’autorité de sa majesté,… et les seigneurs se sont avancés jusqu’à dire qu’ils n’avaient ni la possibilité ni la volonté d’exécuter les édits à la rigueur, ni de prêter assistance à l’inquisition… Ensuite, le prince d’Orange s’étant retiré dans sa maison de Breda, où il tint un conventicule et une réunion, Montigny s’y est trouvé avec les autres, et on y a résolu de prendre les armes contre sa majesté, dans le cas où elle ne consentirait pas à retirer l’inquisition et les édits, ou au moins à les modifier de manière à introduire la liberté des sectes, et, à cet effet, de tenir prêts en Allemagne quatre mille cavaliers et quatre régimens d’infanterie, ce qui a été ensuite définitivement conclu dans la réunion de Saintrond. »

Tel est le début du réquisitoire. Remarquons, avant d’aller plus loin,