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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/681

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— Ceux-là viennent de plus près, n’est-ce pas ? me dit-il ; donc le gîte que je cherche se trouve entre la source du ruisseau et son extrémité, là ou ici, ajouta-t-il en frappant la berge de la pointe du pied.

— C’est incontestable, répondis-je émerveillé de la justesse de ce raisonnement. Le ruisseau en se retirant laissait voir le talus de droite où l’eau avait creusé une demi-voûte couronnée de racines entrelacées. Le gambusino sonda avec soin la profondeur de ce renfoncement, mis à jour pour la première fois ; sa figure impassible ne laissa rien lire des pensées qui l’agitaient. Il interrompit son examen pour sortir du lit du ruisseau et prendre sa pique qu’il avait laissée sur le bord. Les premiers coups qu’il dirigea contre le flanc de la berge ne rencontrèrent qu’un terrain argileux dans lequel la barreta pénétrait sans résistance. A quelques pieds de là, le fer, en s’enfonçant de nouveau, heurta contre la roche : en un clin d’œil, le gambusino la mit à nu en la débarrassant de la terre qui la couvrait. C’était une roche anguleuse, si compacte et si dure, que ce ne fut qu’au troisième coup, appliqué d’un bras vigoureux, qu’un éclat s’en détacha. Le mineur examina de nouveau avec attention le bloc mis à découvert, pendant que je suivais tous ses mouvemens avec une curiosité que l’on comprendra. Alors il mit un doigt sur sa bouche, comme pour me recommander le silence, et joua le désappointement en acteur consommé, tandis qu’il serrait dans les poches de sa veste le morceau de quartz qu’il avait séparé du bloc ; il éparpilla ensuite des pieds et des mains les pierres qu’il avait entassées, et, la digue une fois abattue, l’eau ne tarda pas à reprendre en murmurant son cours habituel.

— Allons, dit le gambusino en élevant la voix, je me suis trompé dans mes conjectures ; mais, en tout cas, en voilà assez pour aujourd’hui, et je me sens fatigué ; si vous le trouvez bon, nous rentrerons chez moi.

Je me levai pour l’accompagner. Pendant le trajet, rien dans sa démarche ne trahit la moindre émotion. Lorsque nous fûmes entrés dans sa cabane, il ferma soigneusement la porte, et s’écria en jetant à Anastasio le morceau de quartz qu’il tira de sa poche :

— Comme tu me le disais tout à l’heure, le passé n’est rien pour moi ; mais que doit être l’avenir pour le possesseur d’un filon semblable à celui-ci ! Encore de l’or qui va voir le jour, qui va circuler de main en main ! s’écria-t-il avec enthousiasme.

Pendant qu’Anastasio examinait avec admiration le morceau de quartz d’un blond fauve constellé à certains endroits de paillettes serrées et veiné, en d’autres, de légers réseaux d’or, un homme couché dans un angle de la hutte, le blessé dont le gambusino avait parlé, fit entendre un sourd gémissement. Il essaya de se retourner sur sa couche de roseaux, mais il ne put qu’étendre la main et dire d’une voix faible :

— Donne, que je voie à mon tour, quoique ma vue soit bien troublée.