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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/756

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ont pu recevoir les traditions de l’Égypte Ont-ils pu les recevoir immédiatement ? Pas davantage, et la raison en est bien simple c’est que personne, parmi ces philosophes, n’a rien su de la langue égyptienne et de l’écriture hiéroglyphique. D’abord, si ces philosophes les eussent connues, ils n’eussent pas manqué de nous l’apprendre encore s’ils avaient eu la prudence de se taire sur ce sujet, nous pourrions croire qu’ils s’y entendaient quelque peu. Malheureusement plusieurs d’entre eux se sont laissé aller à en parler, et ce qu’ils disent montre tout leur ignorance à cet égard. Il est incroyable à quel point les Grecs d’Alexandrie restèrent étrangers à la connaissance de la langue et de l’écriture égyptiennes ; on ne pourrait le comprendre, si on n’avait d’autres exemples de l’éloignement dédaigneux des Grecs et des Romains pour l’étude des langues barbares. Ce qui est certain, c’est que, sauf un passage souvent cité de saint Clément d’Alexandrie et un passage moins concluant, il est vrai, de Porphyre, on ne voit pas qu’un seul auteur grec se soit douté que les hiéroglyphes pouvaient être phonétiques, c’est-à-dire représenter des sons, ce qui a lieu pourtant trois fois sur quatre. Quoique tenant moins de place que l’écriture phonétique dans les inscriptions, l’écriture symbolique est citée par les alexandrins comme l’unique écriture des Égyptiens. Cette fausse opinion est celle de Plotin[1], de Proclus[2], de Porphyre lui-même[3], d’lamblique[4], qui n’en écrivait pas moins sur la science des Égyptiens.

On conçoit la raison de cette erreur si répandue : cette portion symbolique de l’écriture égyptienne, bien que la moins considérable, était ce qui distinguait le plus des autres écritures et lui donnait un caractère mystérieux, c’est ce que les prêtres devaient mettre en relief dans les incomplètes confidences qu’ils faisaient aux Grecs, et c’est aussi ce qui devait frapper l’imagination de ces derniers précisément parce qu’ils trouvaient là un procédé d’écriture plus étrange et plus différent du leur ; mais, en ne disant rien des hiéroglyphes-lettres, beaucoup plus nombreux que les hiéroglyphes-images, les auteurs grecs et les philosophes alexandrins en particulier ont montré qu’ils étaient hors d’état de comprendre une ligne d’un texte hiéroglyphique. Manquant des notions les plus élémentaires. sur l’écriture égyptienne, comment auraient-ils pu puiser dans les sources égyptiennes qui leur étaient fermées, et transporter dans leurs écrits des enseignemens qu’on n’y rencontre pas[5].

  1. Enn. V. l. 8, 6.
  2. Commentaire sur le Timée, édit. De Bâle, 35.
  3. De Vita Pythaoroe, cap. 11, 12.
  4. De Mysteriis Aegypt.
  5. Dans le traité d’Iamblique sur les mystères des Égyptiens, il n’y a guère d’égyptien que quelques noms de divinités.