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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 15.djvu/839

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graines d’espèces secondaires lui manquent, aussi bien qu’un grand nombre de fruits : elle ne nourrit que peu de volailles, et elle est obligée de tirer de France les œufs dont sa population est si friande. Enfin les plantations de bois y ont depuis long-temps presque entièrement disparu. Son territoire est consacré tout entier à la culture des céréales, à celle des plantes fourragères, des herbages surtout, et à l’élève des bestiaux. C’est que ce sont là les produits que la loi des subsistances, corn and provisions law, a pris sous sa protection spéciale. L’Angleterre est littéralement couverte de pâturages et de bestiaux, ce qui donne à ses campagnes un aspect particulier, assez riant, mais uniforme, où la monotonie d’un immense tapis vert n’est coupée que par des éclaircies de champs cultivés en grains.

C’est un aspect tout différent qu’offrent les campagnes de France, où la variété des cultures est peut-être poussée trop loin. Par les restrictions qu’il met à l’importation des produits étrangers, le système français étouffe aussi le commerce des denrées du sol, et il frappe ainsi la culture d’un alanguissement général ; mais, comme il en protége à peu près également toutes les branches, il n’en décourage aucune d’une manière particulière, et les maintient toutes à peu près au même niveau. Il y entretient donc cette variété qui est dans la nature des choses, et que l’Angleterre n’a pas bannie impunément. Disons même qu’il engendre dans nos campagnes une variété de productions trop grande et qui excède les justes bornes, puisqu’à côté des productions naturelles à notre sol, et qui sont déjà en si grand nombre, il en fait naître, par une excitation factice, plusieurs autres, telles que le tabac, la betterave à sucre, qui conviennent mieux à d’autres climats.

Plusieurs agronomes admirent l’agriculture anglaise, les uns à cause de sa simplicité même, les autres parce les innombrables troupeaux qu’elle nourrit produisant une immense quantité d’engrais, les terres cultivées en céréales y sont effectivement d’un plus grand rapport. Nous conviendrons, pour notre part, que si le problème à résoudre en agriculture consiste à produire sur un plus petit espace une quantité plus grande de grains, l’Angleterre l’a merveilleusement résolu ; mais si l’on pense, au contraire, que la fin principale de l’agriculture est de nourrir dans l’aisance une population nombreuse, aucune culture au monde ne s’éloigne plus du droit chemin. On assure que la production brute annuelle de l’agriculture anglaise dépasse celle de tout autre pays sur une étendue égale, et particulièrement de la France : nous nous permettons de douter de la vérité de cette assertion ; nous oserions même affirmer le contraire, et, s’il était possible de soumettre de telles données à un calcul exact, nous essaierions de le prouver. Il ne faut pas oublier, en effet, que, si les champs cultivés en blé produisent en Angleterre plus qu’ailleurs