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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1003

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Chaque nuit, je chevaucherai à tes côtés dans la bande des chasseurs, et nous rirons ! Pour t’amuser, je te ferai goûter mes bons mots,

— Ou bien des oranges. — La nuit, je te ferai paraître le temps court. Le jour, j’irai m’asseoir sur ta tombe.

Oui, le jour, j’irai m’asseoir en pleurant sur les débris des sépulcres royaux, sur la tombe de ma bien-aimée, dans la ville de Jérusalem.

Et les vieux Juifs qui passeront croiront bien sûr que je pleure la chute du temple et la ruine de Jérusalem.


XXI.

Argonautes sans vaisseau, qui s’aventurent à pied dans les montagnes, et qui, à la place de la toison-d’or, vont à la recherche d’une peau d’ours,

Ah ! nous ne sommes que de pauvres diables, des héros taillés à la moderne, et nul poète classique ne nous célébrera dans ses chants épiques.

Et cependant combien nous avons souffert ! quelle pluie nous surprit au haut de la montagne où il n’y avait ni arbre ni fiacre !

Une vraie cataracte ! il pleuvait à flots. Certes Jason, dans la Colchide, ne reçut jamais une pareille douche.

Je donnerais mes trente-six rois d’Allemagne, m’écriais-je, je les donnerais bien pour un parapluie ! Et l’eau ruisselait de mon corps en abondance.

Morts de fatigue, tous maussades et trempés comme des caniches, nous revînmes enfin à la cabane de la sorcière assez tard dans la nuit.

Uraka, assise près d’un feu clair, était en train de peigner son gros et gras caniche. Elle lui donna vite congé

Pour s’occuper de nous. Elle fit mon lit, dénoua mes espadrilles, cette chaussure pittoresque et absurde,

M’aida à me déshabiller, m’ôta même mon pantalon mouillé ; il me tenait aux jambes, serré et fidèle comme l’amitié d’un niais.

Mes trente-six rois d’Allemagne, m’écriais-je, je les donnerais maintenant pour une robe de chambre bien chaude ! Et ma chemise humide fumait sur ma poitrine.

Frissonnant, claquant des dents, je m’accroupis un instant devant le foyer ; enfin je m’étendis sur la paille, presque étourdi par le feu,

Mais sans pouvoir dormir. Les yeux à demi fermés, je regardai la sorcière assise près de la cheminée, qui tenait sur ses genoux la tête et la poitrine de son fils, aussi déshabillé.

Le gras caniche se tenait debout à ses côtés et lui présentait avec beaucoup d’aisance un petit pot dans ses pattes de devant.

Uraka prit dans ce pot une sorte de graisse rouge, en oignit la poitrine