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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1037

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millions d’ames, répartie sur une surface de moins de huit cents milles géographiques carrés. En effet, la Suisse couvre une grande partie de la frontière de France ; tout le revers oriental du Jura lui appartient ; elle possède toutes les sources du Rhin, et, maîtresse des hautes vallées de l’Inn et du Tessin, elle fait pénétrer assez profondément ses limites dans les bassins du Danube et du Pô. Comme une immense citadelle érigée par le soulèvement des plus hautes montagnes de l’Europe, la Suisse domine tout à la fois la Souabe et la Lombardie : elle sépare dans le sens stratégique, elle unit dans le sens commercial les régions allemandes et les régions italiennes. Dans cette situation, la Suisse ne peut manquer de ressentir l’ébranlement de toutes les passions qui fermentent dans les trois régions dont elle est environnée et le contrecoup des grands événemens qui viennent à s’y accomplir : à son tour, elle renferme, protège pour un temps et développe, dans une certaine mesure, les germes de pensées nouvelles ou renouvelées, de sentimens et de systèmes qui doivent exercer une influence marquée sur les états placés à sa portée, d’autant plus que cette terre, féconde de tout temps en esprits remuans, se trouve ordinairement ouverte aux étrangers qui cherchent dans l’exil un refuge contre la persécution. Il y a donc, pour les voisins de la Suisse et pour la France en particulier, un véritable intérêt à connaître exactement la situation intellectuelle et morale de cette contrée, la force proportionnelle, les projets et les chances des partis qui s’en disputent la direction. Nous allons essayer de jeter quelque jour sur ces questions ; nous le ferons dans un esprit d’impartialité scrupuleuse et conciliatrice entre tous les droits qui nous semblent légitimement établis.


I.

Toutes modernes que soient les bases de la constitution générale de la Suisse, c’est dans le moyen-âge qu’il faut chercher les racines de son organisation par cantons et des gouvernemens qui régissent séparément ces petites républiques. La configuration du sol et la diversité dans les élémens de la population ont là, plus que partout ailleurs, déterminé cette variété d’esprit politique et de législation qui donne à la Suisse un caractère si distinct. Il est donc indispensable de connaître l’aspect physique, l’histoire, les anciennes révolutions de ce pays, si l’on veut remonter à la source de ses complications actuelles.

Le revers oriental du Jura, le tour entier du lac de Neufchâtel, le bord septentrional du lac de Genève, enfin la vallée du Rhône au-dessous de Sion, avec le massif adjacent des Alpes pennines, forment la Suisse romande ou romane, où règne l’idiome français. Dans sa partie septentrionale, cette contrée comprend les grandes forêts, les vallées