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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1043

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morale lui fut bientôt acquise. Sous la garantie de ce que les contemporains de Trajan et de Marc-Aurèle appelaient excellemment la paix romaine, le canton actuel de Bâle, avec une moitié de l’Argovie, appartenait à la cité des Rauraques ; Berne, Zurich, Lucerne, Fribourg, Neufchâtel, Vaud, Zug, Glaris, les cantons forestiers, une partie de l’Argovie et le tour du lac de Wallenstadt, composaient la cité des Helvétiens ; Schaffouse, Saint-Gall, Appenzell, la Thurgovie, les Grisons, dépendaient de la Rhétie ; Genève appartenait aux Allobroges, et le Valais, divisé entre six peuplades galliques, formait une moitié de la province des Alpes pennines. Quelle que fût la différence primitive des populations liées dans ces pays à la fortune du grand empire, le niveau de la loi romaine avait passé sur elles ; l’uniformité de la langue latine était entrée dans leurs habitudes ; Romains de langage, de mœurs et d’affections, ces peuples présentaient une masse homogène aux Germains indépendans qui menaçaient sans cesse leur frontière du nord. Genève avait un évêque suffragant de Vienne ; Sion, un autre, qui relevait de l’évêque métropolitain de Tarentaise ; le siége de Coire était dans la province d’Augsbourg ; ceux d’Augst (Augusta Rauracorum), d’Avenches, de Windisch (Vindonissa) et de Nyon, dépendaient de la métropole séquanaise, Besançon.

L’invasion, au commencement du Ve siècle, des peuples de langue teutonique, dont les Césars avaient vainement tenté d’abord de comprimer l’indépendance, et ensuite d’arrêter l’ambition, changea complètement l’aspect et l’existence sociale de l’Helvétie. La confédération des Allemands en franchit les barrières, y triompha des troupes impériales et des Burgundes, alliés douteux de Rome, enfin y établit son avant-garde sur les ruines de la civilisation, dont cette race, encore idolâtre et farouche, détestait le principe, bien qu’elle en convoitât les bienfaits. La population romaine fut refoulée dans les hautes vallées des Alpes, dans les retraites intérieures du Jura. Elle tint tête à ses agresseurs autour des sources du Rhin, des lacs de Neufchâtel et de Genève ; elle succomba complètement dans le bassin de l’Aar et celui du lac de Constance ; la dégradation et l’esclavage furent le partage de ses débris, parmi lesquels, cependant, une lueur de christianisme se conserva toujours, précieuse étincelle à laquelle devait se rallumer plus tard le flambeau de la civilisation[1].

Courbés, depuis la bataille de Tolbiac, sous la suzeraineté des Francs,

  1. Le siége d’Augusta, quelque temps vacant, se releva dans l’enceinte de Basilée, repeuplée par les Allemands. L’évêque d’Avenches transféra sa résidence à Lausanne, et celui de Nyon, dont les barbares avaient abattu l’église, trouva son refuge à Belley. Le siége de Vindonissa fut pareillement transféré à Constance, quand les cols adoucis des Allemands se furent inclinés sous la prédication de l’Évangile.