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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1135

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Avec ce cri d’amour, avec cette suprême prière, sa vie s’exhala ; ses bras s’entr’ouvrirent, ses lèvres restèrent immobiles sur le front de William. Puisqu’elle n’embrassait plus son fils, c’est qu’elle était morte, morte sous les yeux de ceux qui jusqu’à la fin avaient refusé de lui tendre une main secourable, morte sans donner à lady Mary la crainte de voir essayer par une prière de faire révoquer l’arrêt prononcé, morte en lui laissant une victoire complète, définitive.

Il y eut un instant de silence solennel ; personne ne remua ni ne parla. La mort fait incliner les fronts les plus orgueilleux. Lady Mary et lord J. Kysington fléchirent les genoux auprès du lit de leur victime. Au bout de quelques minutes, lord J. Kysington se releva et me dit - Éloignez cet enfant de la chambre de sa mère, et suivez-moi, docteur ; je vous expliquerai mes intentions à son égard.

Il y avait deux heures que William était appuyé sur l’épaule d’Eva Meredith, son cœur placé sur son cœur, sa bouche sur sa bouche, recevant à la fois ses baisers et ses larmes. Je m’approchai de William, et, sans lui adresser d’inutiles paroles, j’essayai de le soulever pour l’emmener hors de la chambre ; mais William résista, et ses bras serrèrent plus vivement sa mère sur son cœur. Cette résistance, la première que le pauvre enfant eût jamais opposée à qui que ce fût sur la terre, me toucha jusqu’au fond de l’ame. Cependant je renouvelai l’effort, cette fois William céda ; il fit un mouvement, et, se tournant vers moi, je vis son beau visage inondé de larmes. Avant ce jour, William n’avait jamais pleuré. Une vive émotion s’empara de moi, et je laissai l’enfant se jeter de nouveau sur le corps de sa mère.

— Emmenez-le donc ! me dit lord J. Kysington.

— Milord, il pleure, m’écriai-je. Ah ! laissons ses pleurs couler ! Je me penchai vers l’enfant ; j’entendis des sanglots.

— William ! mon cher William ! lui dis-je avec anxiété en prenant sa main dans mes mains ; pourquoi pleures-tu, William ?

Une seconde fois William tourna la tête vers moi ; puis, avec un doux regard plein de douleur :

— Ma mère est morte ! répondit-il.

Je n’ai pas de paroles pour vous dire ce que j’éprouvai. Les yeux de William avaient de l’intelligence ; ses larmes étaient tristes comme ne coulant pas au hasard, et le son de sa voix était brisé comme lorsque le cœur souffre. Je poussai un cri ; je me mis presque à genoux près du lit d’Eva.

— Ah ! vous aviez raison, Eva ! lui dis-je, de ne pas désespérer de la bonté du ciel !

Lord J. Kysington lui-même avait tressailli. Lady Mary était pâle comme Eva morte.

— Ma mère ! ma mère ! s’écriait William avec des accens qui remplissaient