Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/1142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les grandes villes, ni un hôtel garni, ni une auberge, ni même un cabaret. D’espace en espace, dans les principaux centres de population, un caravanseraï infect et le plus souvent en ruines vous présente un abri tel quel dans une vaste cour entourée de cellules en pierres sans portes ni fenêtres. Quant à la poste, elle n’est pas établie pour le transport régulier de la correspondance, mais pour la simple transmission des ordres de l’autorité centrale aux gouverneurs de province, et des dépêches de ceux-ci à l’autorité centrale. C’est, par conséquent, le gouvernement qui en supporte tous les frais, moyennant des relais établis de distance en distance, et appelés chaperkhanas (écuries pour sept chevaux). Ces relais sont entretenus, partie en nature, partie en argent. L’administration en est confiée à un directeur ou fermier général, qui obtient, par la voie de l’adjudication publique, la concession des relais sur une ou plusieurs lignes de communication. Il n’y a de chaperkhanas que sur les routes qui vont de Téhéran aux chefs-lieux de province, et par conséquent de relations suivies qu’avec Tabriz à l’ouest, Ispahan au midi et Mesched à l’est. Les autres villes de l’intérieur n’ont aucun moyen de correspondance. Enfin, même sur ces grandes lignes, c’est toujours un goulam, ou courrier spécial du gouvernement, qui est chargé des paquets et qui voyage à cheval. Les individus qui ont des lettres à faire parvenir s’arrangent avec ce commissaire, qui se charge, moyennant une récompense, de les remettre à destination.

C’est en chopari, c’est-à-dire en courrier, qu’on voyage le plus rapidement. Toutefois ce que dit le touriste russe de ce mode de locomotion est fait pour en donner une idée assez triste. Au lieu de sept chevaux que l’on devrait trouver à chaque relai, il n’y en a, la plupart du temps, que deux ou trois, et souvent tellement mauvais, que le cavalier est plus fatigué de faire aller sa bête qu’il ne l’eût été de parcourir la route à pied. Si toutefois l’animal ne veut ou ne peut plus avancer, le voyageur peut, dans ce cas, se donner la satisfaction de la vengeance : il a le droit (c’est écrit dans son passeport) de tuer le cheval, à la condition de porter jusqu’à l’étape prochaine sa queue dans une main et la selle sur ses propres épaules.

Parti de Téhéran, M. de Bode, qui voyageait en chopari, arriva à boum après deux journées de route. Boum est une cité sainte, qui doit son importance au tombeau de Fatimah, sœur de l’imam Hussein. Beaucoup de Persans choisissent cette ville pour lieu de leur sépulture. Ceux qui ont les moyens de se faire porter près du tombeau même d’Hussein préfèrent être enterrés à Kerbelah, où repose le saint imam. Aussi, sur la route de Téhéran à boum et à Kerbelah, rencontre-t-on à chaque instant des caravanes de zavars (pèlerins), qui se chargent, tout en accomplissant leur propre vœu, d’escorter les morts qu’on leur confie jusqu’en terre sainte. Chacun de ces pèlerins conduit un cheval, au dos duquel deux bières sont suspendues au moyen d’un bât. Le baron de Bode rencontra un de ces convois près de boum. La population s’était portée en masse au-devant des zavars pour les féliciter de leur heureux retour et de l’acquisition du titre de kerbelai (pèlerins de Kerbelah). A propos de ce titre, l’auteur fait observer qu’il y a pour les Persans shiites trois lieux différens de pèlerinage qui correspondent à trois degrés différens de sainteté. Le moins important de ces trois pèlerinages est celui de Mesched, capitale du Khoraçan. Ceux qui ont été faire leurs dévêtions dans cette ville au tombeau de l’imam Reza obtiennent le surnom de