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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/160

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bon sens des membres nouvellement élus. Au dire des hommes ayant un long usage de nos assemblées parlementaires, jamais les partis ne s’étaient constitués aussi vite, absorbant tout d’abord dans leur sein les hommes sur lesquels ils devaient naturellement compter. Pareils commencemens sont de bon augure et donnent à penser que chacun restera, pendant la prochaine session, attaché au drapeau qu’il a librement choisi. La minorité reprendra-t-elle en ascendant moral la force qu’elle a numériquement perdue ? Cela ne parait guère probable. A Dieu ne plaise que je veuille prendre plaisir à rabaisser une portion de la chambre qui compte dans son sein des citoyens animés des intentions les plus droites et des orateurs doués d’un talent incontestable ; il faut cependant en convenir, l’opposition n’est pas environnée chez nous de ce prestige qui, dans autres temps et dans d’autres pays, a rarement fait défaut à ceux qui se sont faits les défenseurs habituels des opinions populaires. A rechercher avec impartialité les causes de cette froideur du public, on trouverait, je crois, qu’elle tient en partie aux circonstances, en partie aux fautes des hommes. La vraie popularité n’est pas un bien qui s’acquiert à peu de frais ou qui se dérobe par surprise ; une nation ne l’accorde qu’à bon escient, par reconnaissance pour les grands et réels services, ou par respect pour les longs dévouemens à de bonnes et saintes causes. Quels grands services l’opposition aurait-elle pu rendre depuis seize ans ? Il n’y a pas de libertés à sauver quand il n’y a pas de libertés attaquées ; il n’y a pas d’opprimés à défendre quand il n’y a point d’oppresseurs. La gauche n’était pas tenue de faire des miracles, mais elle était tenue de rester fidèle aux sentimens libéraux qui feront toujours l’honneur et la force des grandes oppositions constitutionnelles. Voilà ce qu’elle n’a pas fait. Elle les a souvent sacrifiés lorsqu’elle a cru trouver dans cet abandon le plus passager avantage pour les combinaisons éphémères de la stratégie parlementaire. La liberté des noirs a été, dans ces derniers temps, plusieurs fois mise en cause à propos de conventions diplomatiques échangées dans le but d’abolir ce trafic odieux ; l’opposition a pris parti contre ces conventions. Une loi a été apportée qui réalisait une des promesses de la charte, en organisant en France la liberté de l’enseignement ; l’opposition a repoussé cette loi. Je ne sais si les doctrines des libres échangistes auront l’honneur d’être discutées cette année dans les chambres ; mais, à coup sûr, leur triomphe serait bien éloigné, si elles devaient l’attendre uniquement du libéralisme commercial des membres de la gauche. Plusieurs motifs ont déterminé sur tous ces points l’attitude vraiment étrange de l’opposition. Le désir de faire pièce au cabinet et d’avoir contre lui un succès immédiat, les convictions personnelles bien connues de l’homme éminent qui s’est placé à sa tête, ont exercé sur sa marche une influence prépondérante. Cependant