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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/168

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Jarnac à lord Aberdeen ; M. Bresson reçut de son côté à Madrid les instructions qui devaient lui servir de règle de conduite dans le cas prévu par le memorandum.

Comme on va le voir, cette déclaration de notre cabinet n’était pas une précaution inutile, mais un acte de la plus indispensable prudence. En effet, si le cabinet anglais exécutait fidèlement ses engagemens, ses agens à l’étranger et les personnes qui passaient pour obéir habituellement à leurs inspirations suivaient une voie tout opposée. Leurs efforts pour rendre acceptable et prépondérante la candidature de M. le prince Léopold de Saxe-Cobourg étaient incessans et publics, surtout à Madrid. Ils eurent, au milieu du printemps de 1846, un succès à peu près complet, révélé par un incident relaté alors dans les journaux de la Péninsule, et qui, je ne sais pourquoi, n’a pas trouvé place dans la presse anglaise ou française. M. le duc régnant de Saxe-Cobourg était à Lisbonne, et l’on parlait de sa prochaine arrivée à Madrid. Le gouvernement espagnol lui envoya un message direct précédemment communiqué à M. Bulwer, et qui avait pour but le mariage de la reine avec le prince de Saxe-Cobourg ; mais tel était, pour les engagemens pris à Eu, le respect de M. le ministre des affaires étrangères d’Angleterre, lord Aberdeen, que le ministère français apprit à la fois par lui cette démarche inattendue, la connaissance qu’en avait eue M. Bulwer, et l’avertissement donné à cet agent de ne jamais prêter son concours à aucune proposition de ce genre. Peu de temps après cet incident, le cabinet tory se retirait, et avec lui lord Aberdeen ; les whigs entraient au pouvoir, et avec eux lord Palmerston.

Qui avait décidé la reine-mère d’Espagne à la démarche qu’elle avait tentée à Lisbonne ? Était-ce le désir bien naturel d’affermir la couronne de sa fille par une alliance avec cette maison considérable des Cobourg, qui a donné des époux à la plupart des princesses de l’Europe, et qui se trouve en ce moment assise sur la majeure partie des trônes constitutionnels ? Était-ce un calcul habile pour forcer la main à la France et obtenir le mariage de M. le duc de Montpensier par la crainte qu’aurait inspirée un mariage sur le point de se conclure avec un prince de Cobourg ? Quoi qu’il en fût du motif, digne, à coup sûr, d’une mère tendre et d’une princesse expérimentée comme la reine Christine, le fait était par lui-même de nature à donner à réfléchir au cabinet des Tuileries. Le mariage avec un prince de la maison de Cobourg avait été directement négocié par le gouvernement espagnol ; connaissance en avait été donnée au ministre anglais à Madrid, tout cela dans le temps où siégeait à Londres un cabinet ami, qui avait pris lui-même au sujet des mariages espagnols des engagemens précis, et qui avait une si ferme et si évidente volonté de les exécuter. Qu’allait faire à Madrid l’envoyé britannique, désormais dirigé par un nouveau ministère,