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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/171

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vouloir pousser à outrance les fautes commises, afin de tirer de l’excès même quelque chose que l’on prendrait pour de la gloire.

Pour moi, plus j’y réfléchis, moins je pense que tous ces tiraillemens entre la France et l’Angleterre amèneront un trouble profond dans leurs relations. Par un sentiment de mutuelle dignité, ce qu’il y a eu de trop intime, ou plutôt de trop affiché dans l’intimité, disparaîtra. Je laisse à d’autres à le regretter. La bonne harmonie et la bonne amitié reparaîtront, harmonie paisible, amitié sérieuse, telle qu’il convient à des peuples rassis et expérimentés. Si par malheur les notes échangées entre les deux cabinets sur leurs dernières difficultés étaient, de part ou d’autre, empreintes d’aigreur et semées de malséantes insinuations, nul doute que les deux peuples en ressentiraient un égal déplaisir. Le plus mal à son aise des deux serait certainement celui dont l’organe officiel aurait le moins bien observé les règles d’une courtoise discussion. Il y a entre nations qui se respectent des égards auxquels, la colère une fois passée, on est embarrassé d’avoir manqué. Espérons qu’au besoin le sentiment public des deux pays interviendrait impérieusement pour mettre fin à de tristes distords qui n’ont déjà que trop duré.

Les conséquences de cette regrettable mésintelligence ne se sont pas fait attendre. Depuis 1830, le voisinage du petit état indépendant de Cracovie troublait la quiétude de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche ; en 1836, les trois cours avaient échangé quelques notes sur la convenance qu’il y aurait pour elles à détruire ce dernier et faible vestige de la nationalité polonaise. Toutefois, on peut le dire hardiment, ces projets seraient toujours restés enfouis dans les chancelleries où ils avaient été conçus, et le scandale d’un acte aussi inique aurait été épargné au monde, si la première nouvelle d’un refroidissement survenu entre les grands états de l’Occident n’avait donné courage aux cabinets absolutistes. Sans doute les deux premiers partages de la Pologne, si énergiquement flétris par la conscience publique de l’Europe, depuis si souvent et quelquefois si durement reprochés aux cours co-partageantes, ont bien mérité la réprobation qu’ils ont encourue ; mais enfin, à les juger comme ils ont été accomplis, sans souci du droit, de la justice et de l’humanité, ils étaient profitables et jusqu’à un certain point motivés. Il n’en est pas de même de la dernière résolution des puissances. A qui pense-t-on donner à entendre que la petite ville de Cracovie, dont la primitive indépendance avait été déjà si restreinte, dont les libres institutions avaient été si mutilées, tenait à elle seule en échec les trois grandes monarchies au milieu desquelles son territoire est enclavé ? Bien que les derniers événemens de la Gallicie ne nous aient donné qu’une médiocre idée des moyens d’ordre et de répression dont l’Autriche dispose, nous lui faisons l’honneur de penser qu’aidée de ses puissans alliés, elle aurait pu venir à bout de son incommode voisine. L’occupation militaire de la république suffisait parfaitement à la sécurité