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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/226

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6 vaisseaux détachés du blocus du Ferrol à la poursuite des 5 vaisseaux du contre-amiral Missiessy. L’ennemi ne pouvait, à tout prendre, réunir plus de 23 vaisseaux aux Antilles ; Nelson comptait en avoir 16 à lui opposer, tous vaisseaux éprouvés, habitués à la même tactique et portant le même pavillon. C’était une chance qu’un homme tel que Nelson pouvait accepter. « Que chacun de vous, disait-il à ses capitaines, attaque un vaisseau français ; je me charge à moi seul des vaisseaux espagnols. Quand j’amènerai mon pavillon, je vous permets d’en faire autant. »

S’il se sentait justement rassuré contre la supériorité numérique de l’ennemi, Nelson ne l’était point contre la crainte du ridicule qui pouvait s’attacher à une poursuite infructueuse. « Après avoir sérieusement pesé tous les renseignemens qui me sont parvenus, écrivait-il au secrétaire de l’amirauté, je suis porté à croire que la flotte combinée s’est dirigée sur les Antilles. Un voyage en Angleterre m’eût souri davantage sans doute ; l’intérêt de ma santé l’exigeait peut-être ; mais, en pareille occasion, je place toujours mes convenances hors de la question. Je puis être malheureux, on ne dira jamais que je suis inactif ou que je ménage ma personne, car on n’appellera point assurément cette poursuite de 18 vaisseaux avec 10 un voyage d’agrément, surtout quand il faut aller chercher ces 18 vaisseaux aux Antilles. En tout cas, si je me suis trompé sur la destination de la flotte combinée, je serai de retour en Europe à la fin de juin, c’est-à-dire long-temps avant que l’ennemi ait pu savoir où je suis allé. » Trop de temps avait été perdu déjà pour que Nelson pût en perdre encore dans de nouvelles hésitations. Le 11 mai, cédant à un des plus beaux mouvemens qui aient illustré sa carrière, il quittait le contre-amiral Knight et volait au secours des Antilles menacées.


IV.

Tout avait jusqu’alors secondé les projets de l’empereur. Malgré la marche inférieure de trois vaisseaux, le Formidable et l’Intrépide toujours couverts de voiles, l’Atlas qu’il fallait faire remorquer par le Neptune, l’amiral Villeneuve avait passé le détroit un mois avant l’amiral, anglais. Le 13 mai, il mouillait à la Martinique et trouvait sur la rade du Fort-Royal les bâtimens dont il s’était séparé en partant de Cadix : 18 vaisseaux et 7 frégates furent ainsi réunis sous ses ordres, et le premier essai qu’il put faire de la bonne volonté de leurs équipages fut couronné d’un succès complet. A l’entrée de la rade du Fort-Royal, les Anglais avaient occupé et fortifié un rocher inhabité, nommé le Diamant. Cette position, devenue le lieu de dépôt de leur station et le refuge de leurs corsaires, était réputée inexpugnable Les embarcations