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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/229

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se rapprocher du théâtre des événemens. Les faux renseignemens qu’il avait reçus à la Barbade l’avaient entraîné à plus de soixante lieues sous le vent de cette île, et, pendant ce temps, Villeneuve, jetant partout l’alarme sur son passage, capturait un convoi de 15 voiles sorti de Saint-Christophe. Parvenu à la hauteur de la Grenade, Nelson eut des nouvelles plus certaines de la flotte combinée. Les vigies de la Dominique avaient compté, le 6 juin, 18 vaisseaux et 6 frégates faisant route au nord. Nelson conçut de nouveau l’espoir d’atteindre l’ennemi ; mais Villeneuve avait été informé par ses prisonniers de l’arrivée d’une escadre anglaise aux Antilles, et, au moment où Nelson paraissait devant Antigoa, la flotte combinée avait depuis trois jours repris le chemin de l’Europe.

Nelson connut le départ des alliés le 12 juin. En quelques heures, il jeta ses troupes à terre, désigna le contre-amiral Cochrane pour rester aux Antilles avec le Northumberland, et reprit avec 11 vaisseaux son infatigable poursuite. Nelson et Villeneuve allaient suivre encore une fois des routes divergentes : Villeneuve se dirigeait sur le Ferrol, Nelson sur le cap Saint-Vincent et Cadix. Ce dernier n’avait rien soupçonné des plans de l’empereur. Il croyait que la flotte combinée était venue aux Antilles pour y brûler des convois ou dévaster les îles, et, ce but manqué, il ne doutait pas qu’elle n’allât chercher dans la Méditerranée un nouveau théâtre d’opérations. « Mon cher sir John, écrivait-il le 18 juin au ministre Acton, alors retiré à Palerme, je suis déjà à deux cents lieues d’Antigoa et sur le chemin du détroit. Je n’ai point encore rencontré l’ennemi, mais ne craignez pas que je laisse ces gens-là prendre le dessus dans la Méditerranée et inquiéter la Sicile ou les autres états de votre bon roi. »

Au moment cependant où il écrivait cette lettre, Nelson était bien près de la flotte combinée, car le lendemain, 19 juin, un brick qu’il venait d’expédier en Angleterre pour informer l’amirauté de son retour, le Curieux, commandé par le capitaine Bettesworth, rencontrait, à trois cents lieues dans le nord-nord-est d’Antigoa, cette flotte insaisissable que Nelson cherchait en vain depuis près de trois mois. A la route que suivait Villeneuve, il était aisé de juger qu’il n’avait pas l’intention de rentrer dans la Méditerranée. Le capitaine Bettesworth comprit toute l’importance de cette heureuse rencontre. Au lieu de rétrograder vers l’escadre de Nelson, qu’il eût pu manquer, il continua sa route et fit force de voiles. Arrivée à soixante lieues du cap Finistère, la flotte combinée se trouva arrêtée par des vents contraires. Le Curieux gagna le port de Plymouth. Le 9 juillet, au point du jour, le capitaine Bettesworth fut reçu par lord Barham, qui venait de succéder au vicomte Melville. 36 vaisseaux, échelonnés de Cadix à Brest, ne pouvaient garder avec succès une pareille étendue de côtes contre une flotte compacte