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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/283

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en parlent toujours autrement. A les en croire, c’est en maintenant avec une patience séculaire les lois restrictives dans leur rigueur, que l’Angleterre est parvenue à porter son industrie manufacturière dans cette position élevée qu’elle occupe ; mais c’est là une erreur de fait qu’il est trop facile de rectifier. Ce n’est pas, par exemple, comme on l’assure quelquefois, parce que l’Angleterre a su attendre patiemment l’effet des prohibitions, qu’elle a élevé son industrie des soieries au niveau et même au-dessus de la nôtre ; c’est parce qu’elle a su agir en affranchissant cette industrie de toutes ses charges. Tant que les prohibitions ont prévalu dans ce pays, l’industrie des soieries s’y est traînée dans une longue enfance, toujours hautement dominée par les industries française et suisse, qui lui disputaient même, à l’aide d’une contrebande active, ce marché intérieur que les lois prohibitives lui réservaient. Un jour vint, en 1826, où M. Huskisson, après avoir dégrévé les soies brutes, convertit en un simple droit de 30 pour 100 la prohibition qui frappait les soies ouvrées, et c’est alors seulement que les situations changèrent. De ce jour (ce n’est pas nous qui le disons, les documens officiels sont là qui l’attestent), de ce jour seulement l’industrie anglaise des soieries s’émancipa. Elle reconquit d’abord son marché national, agrandi par une consommation plus forte, et bientôt après elle se vit en mesure d’étendre son action sur les marchés étrangers. Sous le nouveau régime, cette industrie fit plus de progrès en quatre ans qu’elle n’en avait fait précédemment dans le cours de tout un siècle. Ce n’est donc pas, comme on le répète sans cesse, à la faveur de la prohibition et par le bénéfice d’une longue attente, c’est au moyen d’un retour actif vers la liberté que l’industrie anglaise des soieries en est venue à surpasser la nôtre. Il en a été de même d’ailleurs des autres grandes industries que l’Angleterre possède. Tous leurs efforts, tous leurs progrès, tous leurs succès au dedans et au dehors, ont eu pour point de départ et pour cause des réformes semblables. Eh bien ! ce que M. Huskisson a fait pour l’Angleterre, il y a vingt ans et plus, voilà ce que nous avons maintenant à tenter et à exécuter en France ; heureux de pouvoir nous dire que, cette première réforme une fois accomplie, nous serons plus près d’une liberté véritable que ne le furent alors les Anglais, parce que nous n’aurons pas comme eux, sur nos têtes, une loi de famine sous le nom de loi des subsistances, et une aristocratie terrienne prête à soutenir de tout l’effort de sa puissance cet édifice monstrueux.

Entrons donc résolûment dans cette voie ; montrons quelles sont, dans la direction que nous venons d’indiquer, les réformes les plus nécessaires et les plus immédiatement praticables. En nous attachant d’abord à deux produits du premier ordre, les houilles et les fers, nous allons