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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/300

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nécessaire alors, et nous n’entendons pas la blâmer ; il ’est clair toutefois qu’elle devait nécessairement entraîner un surcroît de frais considérable. S’il avait existé en France un atelier assez vaste et assez bien monté pour exécuter seul les quatorze machines dans le temps voulu, et que le gouvernement lui eût confié la commande entière, il l’eût exécutée sans aucun doute avec une dépense moindre et en même temps avec une rectitude plus grande. En supposant les quatorze machines pareilles et d’une force égale, un seul plan, un seul dessin aurait suffi ; les mêmes modèles en bois auraient pu servir pour les quatorze machines, et, de plus, les chances d’erreur, qui pouvaient être si graves dans un travail de ce genre, ne se seraient présentées qu’une fois. À ce compte, ce constructeur unique aurait pu livrer les machines à un moindre prix et réaliser encore de plus amples bénéfices. Or, répétons-le, cet emploi réitéré des mêmes dessins et des mêmes modèles est assurément plus fréquent en Angleterre par exemple, où la consommation est très étendue, qu’en France, où elle est au contraire très bornée et très restreinte. Et qu’on ne pense pas que cette observation se justifie seulement quant aux appareils d’une forme et d’une grandeur inusitée, comme ceux dont nous parlons ; elle est plus ou moins vraie pour toutes les machines, quelles qu’elles soient. Dans toutes les directions du travail, il est bien rare qu’un mécanicien anglais n’ait pas à renouveler l’épreuve d’une même machine plusieurs fois, qu’il n’ait pas occasion de la tirer, s’il est permis de le dire, à un grand nombre d’exemplaires, tandis qu’en France, les épreuves isolées sont très fréquentes, et il n’y a guère d’atelier où on n’en rencontre des exemples tous les jours. De là, pour nos constructeurs, une masse incalculable de faux frais, qui retombent sur l’ensemble de leur travail, et dont les Anglais sont généralement exempts. Aussi voit-on qu’en livrant leurs machines à bas prix les constructeurs anglais s’enrichissent, tandis que les nôtres, en les vendant fort cher, se ruinent.

Ce n’est pas tout. On a souvent remarqué, en faisant de cette observation l’objet d’un reproche ou d’une critique, que les mécaniciens français étaient en général mal outillés, c’est-à-dire qu’ils avaient dans leurs ateliers fort peu de ces machines-outils qui sont d’un si grand secours en mécanique. L’observation était fort juste il y a quelques années ; elle l’est encore dans une certaine mesure, bien que le mal dont on se plaint s’atténue heureusement de jour en jour. C’était là, il faut le reconnaître, et c’est encore aujourd’hui, pour la plupart de nos mécaniciens, une plaie bien vive, une cause bien grave d’infériorité. Rien de comparable, en effet, à la puissance des outils en mécanique, soit pour la régularité du travail, soit pour le bas prix. Sur ce dernier point, l’efficacité des outils tient quelquefois du prodige. Telle pièce qui,