Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans les pays tels que le nôtre, qui se vantent de leur constitution démocratique, c’est une forte raison en faveur de toute mesure propre à assurer la vie à bon marché. Et si ce n’est point par une noble sympathie pour les classes ouvrières, que ce soit au nom des libertés publiques, dont tout le monde sent le prix. Là où il existe une populace nombreuse, il n’y a pas de milieu entre le despotisme et l’anarchie, et, sur toute terre peuplée où la vie sera chère, il y aura constamment une populace qui se propagera avec une rapidité effrayante.

Il faut donc croire que l’échelle mobile et l’impôt sur l’introduction des blés en général subiront chez nous la même destinée qu’en Angleterre. Ce système fut inauguré, de l’autre côté du détroit, en 1804. Quarante-deux ans après, le parlement en a prononcé l’abrogation. Chez nous, la franchise à l’importation a duré depuis la fondation de la monarchie jusqu’en 1819. Le régime actuel n’a donc pas trente ans de date encore. Trente années contre quatorze siècles ! On ne peut prétendre que ce soit une de ces institutions respectables dont l’origine se perd dans la nuit des temps. La génération actuelle l’a vu naître, et nous espérons bien qu’elle le verra mourir. La France ne peut, sur ce point, rester en arrière de sa féodale voisine. Tout au moins faut-il croire que, sans plus de délai, nous en finirons avec l’échelle mobile, d’où nous viennent des chances de famine ; qu’un droit fixe, modéré, uniforme, sans distinction de zone et de section, remplacera cette détestable combinaison, et qu’immédiatement on affranchira le maïs, qu’on ne consomme pas dans les villes, et dont il est à souhaiter que l’usage s’étende beaucoup. Au bout de peu d’années, le maïs serait entré dans les habitudes des populations, et il nous en arriverait d’Amérique de grandes quantités, parce que la capacité de production des États-Unis, sous ce rapport, est sans limites, et nous l’aurions, malgré la distance, à bas prix.

Pourquoi encore la farine est-elle frappée d’un droit supérieur de moitié à celui qui atteint la quantité correspondante de blé ? Lorsque, dans les quatre sections du territoire, la mercuriale du froment est au-dessus de 22 fr., 20 fr., 18 fr. et 16 fr., l’hectolitre est taxé à 5 fr. 22 c., et les 100 kilog. de farine le sont à 15 fr. 40 cent. 100 kilog. de farine correspondent à un peu moins de 2 hectolitres de blé. Le droit devrait donc être tout au plus de 10 fr. 44 cent. La surtaxe de 5 fr. par 100 kil. est ici l’application peu intelligente et en tout cas outrée de cette idée, que le tarif doit s’élever à mesure que les matières ont reçu plus de travail. Les États-Unis exportent beaucoup plus de farines que de blés, parce que les lieux de production, au lieu d’être voisins des ports d’embarquement, sont bien loin à l’ouest, de l’autre côté de la chaîne des monts Alléghanys, dans la grande vallée centrale qu’arrosent au nord le Saint-Laurent, au midi le Mississipi avec ses affluens magnifiques,