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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/429

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populaire, recherchaient quelque moyen de gêner ou de retarder les arrivages de blés étrangers que, réclame la France ? Si l’interdiction d’exporter est utile à l’intérieur, et je le conteste, elle est d’une mauvaise politique extérieure. Il n’y a pas d’hostilité nationale plus implacable au cœur des masses que celle qui peut naître de la pensée qu’un gouvernement étranger a voulu nous affamer.

Le sentiment que le gouvernement doit propager par son exemple est celui de la solidarité. La famine provient de ce que l’individu s’isole dans le canton, le canton dans la province, la province dans l’état, la nation dans le monde. La plus sûre méthode pour procurer aux populations des subsistances est de donner et de maintenir fermement la plus grande latitude possible aux transactions intérieures et extérieures. Plus on agrandit le marché, et plus on écarte les chances de disette ; plus on resserre le marché, et plus on rend probable la cherté ; avec le système de l’isolement, il serait possible de produire la pénurie au milieu d’une abondance extrême. Les chances d’un manque de grains seront complètement détruites, et les écarts des prix seront réduits à leur minimum, lorsque les communications de chaque peuple avec le marché général auront toute liberté, et qu’au sein de chaque état, par le perfectionnement des transports, les diverses parties du territoire seront en relation facile et prompte les unes avec les autres.

De ce point de vue il y a plus d’une amélioration à introduire dans notre pratique administrative. Nos voies de communication, dirigées de l’intérieur sur les frontières et vers la mer particulièrement, sont déjà passables, elles seront parfaites d’ici à peu d’années ; mais ce n’est pas tout que de vaincre les difficultés du sol, et de triompher des obstacles que nous opposait la nature. Eussions-nous terminé nos chemins de fer et nos canaux et porté à la dernière perfection le régime de tous les fleuves, nos rapports commerciaux avec l’extérieur resteraient encore embarrassés de bien des entraves. La nature oppose souvent aux hommes de grands obstacles ; mais eux-mêmes par leurs préjugés, par leurs notions arriérées, par leur condescendance imbécile pour la cupidité de quelques-uns, s’en créent de plus insurmontables encore. En vertu de fausses idées administratives ou de règlemens surannés, ou par les manœuvres d’intérêts égoïstes, nos relations commerciales avec l’étranger offrent à peu près la même complication et la même barbarie dont le commerce intérieur offrait le triste spectacle avant la révolution. A cet égard, nous avons des leçons à prendre chez les peuples voisins. En m’exprimant ainsi, j’ai autre chose en vue que le tarif des douanes, dont les rigueurs pourtant sont funestes et semblent incompatibles avec l’esprit libéral de notre temps. Un gouvernement jaloux d’assurer dans tous les cas la subsistance de la nation, et désireux de pourvoir d’avance aux besoins des mauvaises années, devrait