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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/580

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pagne ont bien témoigné, par la réserve de leur attitude, qu’elles n’avaient aucun grief à élever contre la France, car elles connaissaient d’avance, par nos communications spontanées, le but que s’était assigné notre politique.

Il est une obligation à laquelle aujourd’hui en Europe aucun gouvernement ne saurait échapper, c’est de justifier la légitimité de ses entreprises et la moralité de ses actes. Si puissant que l’on soit, on se trouve cité au tribunal de l’opinion, et l’on reconnaît si bien sa compétence, qu’on se défend après s’être permis l’arbitraire et la violence. Il est vrai qu’on se défend mal. Toutefois ces plaidoiries faibles et sophistiques sont un nouvel hommage rendu à la majesté de la conscience publique. La France a eu souvent l’honneur d’être l’organe de cette conscience générale de l’Europe, et elle ne parait pas disposée aujourd’hui à renoncer à ce rôle. Nous trouvons dans le projet d’adresse au roi, présenté par la commission de la chambre des députés, l’expression ferme et sévère d’un blâme mérité sur l’incorporation de la république de Cracovie à l’empire d’Autriche. On ne pouvait concevoir de doute sur l’approbation que la majorité donnerait au mariage de M. le duc de Montpensier, mais on ignorait le degré d’énergie qu’elle voudrait donner aux sentimens que la spoliation de Cracovie lui inspirerait. La majorité a consigné sa pensée dans le projet d’adresse sans hésitation, sans déguisement. Elle est restée en-deçà de l’exagération et de la forfanterie, mais elle est allée jusqu’aux dernières limites d’une franchise grave et digne. Les traités ont été violés, la majorité le constate et proteste contre cette violation, dans laquelle elle voit une nouvelle atteinte à l’antique nationalité polonaise. La majorité déclare vouloir deux choses, le respect de l’indépendance des états et le maintien des engagemens. Ces deux points sont fondamentaux pour le repos et l’équilibre de l’Europe. La France fait preuve de modération, et donne un nouveau gage de son amour de la paix, quand elle réclame le maintien des engagemens, car elle aurait le droit de considérer comme onéreuses pour elle plusieurs des transactions politiques conclues depuis trente ans ; mais, en même temps, elle élève la voix pour réclamer l’indépendance des états. Sur ce dernier point, elle est fidèle à la politique qu’elle a proclamée dès les premiers momens de 1830. Point d’empiétement sur la liberté des états, point d’intervention arbitraire dans leurs affaires : tels sont les principes que soutenait avec fermeté le gouvernement de 1830 au moment où il repoussait les fausses doctrines de la propagande révolutionnaire.

Rappeler ces principes était, pour nous servir d’une expression de l’adresse, un impérieux devoir dont la chambre a voulu pleinement partager l’accomplissement avec la couronne, et la France se trouve ainsi opposer avec franchise ses doctrines à celles des puissances absolutistes. Jamais ce contraste n’aura paru plus vif, plus saillant, et il est l’inévitable résultat de la force des choses. Il faut bien se pénétrer de ce que la situation a de sérieux, et, jusqu’à un certain point, de nouveau. A la solennité du coup d’état qui en pleine paix a frappé Cracovie, la France oppose un blâme non moins solennel : la réprobation n’est pas moins éclatante que l’attentat. Les trois puissances ont pu accabler une petite république sans défense, mais elles n’étoufferont pas les réclamations retentissantes qui partiront de la tribune française en faveur du droit opprimé. Ces réclamations seront comme le résumé de toutes les plaintes, de tous les griefs, de toutes les appréhensions, que nous avons signalés sur tous les points de l’Europe, en