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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/651

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éternels et environnés de brisans, ces îlots sont inabordables. De loin en loin, cependant, il arrive qu’un calme subit se fait autour de leurs rivages déserts ; mais à peine le calme dure-t-il quelques heures : les flots reprennent bientôt leur mugissement accoutumé et ceignent ces lieux maudits d’une infranchissable barrière.

Jusque vers la fin du siècle dernier, on avait ignoré si la terre de Van-Diemen ne se rattachait point par uni isthme au continent austral. A l’époque du second voyage de Cook, le capitaine Furneaux, dans son rapport sur les côtes orientales et méridionales de la Tasmanie, disait positivement : « Il n’y a qu’une baie entre la terre de Van-Diemen et la Nouvelle-Hollande. » La découverte du détroit dont l’intrépide Bass, qui servait comme chirurgien à bord du navire anglais Reliance, affronta le premier les périls inconnus, acheva de fixer les esprits sur la configuration générale de l’Australie.

Une multitude d’îlots un peu moins tristes et un peu plus grands que ceux du promontoire Wilson parsèment le détroit de Bass vers ses deux entrées de l’orient et de l’occident. Tous ces groupes ont à peu près la même apparence. Des collines granitiques, en forme de cône, revêtues çà et là jusqu’à leur sommet de buissons impénétrables, s’élèvent sur des plaines stériles. A part de rares eucalyptus, on n’y voit que des arbrisseaux dont les coups de vent empêchent le développement. Une fois le détroit de Bass traversé, on touche à ces rivages du midi où la Providence a répandu ses faveurs avec une prodigalité incroyable. Les yeux séduits retrouvent des sites dont la magnificence égale celle de Sydney. Peu à peu, en avançant vers l’ouest, les plaines reparaissent et nous préparent à revoir les vastes solitudes d’où nous sommes partis, et où nous revenons après avoir fait le tour de ce continent austral si riche en magiques contrastes.

On comprend sans peine maintenant la passion qui a poussé vers cette terre tant de voyageurs aventureux. En présence d’une nature singulière et féconde, l’imagination aime à se donner carrière, elle devance volontiers la marche du temps et voit déjà la civilisation porter sa grandeur et ses richesses jusqu’au fond de ces vallées où se réfugient aujourd’hui quelques peuplades errantes. Ce rêve commence à se réaliser, et on peut s’abandonner avec confiance à de séduisantes prévisions, quand on songe aux transformations qu’un demi-siècle a vues se produire. Ce sont les progrès accomplis qui répondent ici des progrès futurs.


II.

Pendant près de deux cents ans, l’Australie, négligée pour l’Amérique, resta presque oubliée de l’Europe. Jetée au milieu du Grand-Océan,