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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/658

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tête de manière à former une sorte de houppe. Les hommes n’ont ni favoris ni moustaches ; ils laissent seulement croître la barbe de leur menton. Leur front, déprimé dans la partie supérieure, est très protubérant par le bas. Ils sont presque tous d’une laideur repoussante ; leur nez large et aplati, leur bouche démesurément fendue, leurs lèvres épaisses, font naître au premier aspect une impression défavorable, et si l’on s’en rapportait aux inductions de la phrénologie, qui cette fois, il faut le dire, se trouvent d’accord avec les faits, cette race malheureuse manquerait du sens moral d’où procède la supériorité de l’homme. Le mensonge est en effet un vice général chez les indigènes australiens. Mentir et tromper, c’est pour eux faire un très légitime usage de la parole. Le sentiment du droit de propriété rappelle seul chez ces tribus le système social des nations civilisées. Dans le sein d’une même peuplade, le bien de chaque individu est respecté ; les assassinats sont extrêmement rares, et, malgré l’insouciance oublieuse du sauvage, le meurtrier n’échappe pas aux tortures les plus violentes du remords, comme on en jugera par cet exemple : un naturel de la rivière des Cygnes, du nom de Tonquin, avait obtenu d’un colon du même district la permission de passer la nuit dans sa cuisine, en compagnie d’un autre nègre attaché au service de la maison. Poussé par quelque ressentiment implacable, Tonquin, durant la nuit, poignarda son malheureux compatriote. Le lendemain matin, il protesta de son innocence avec effronterie, et il s’enfuit dans les bois. Quand il reparut à la rivière des Cygnes, après quinze jours passés dans la solitude, il était fou.

Les Australiens reconnaissent un Dieu inoffensif et des esprits malfaisans. Le plus redoutable de ces esprits passe pour hanter les cavernes obscures, les puits profonds, sous la forme d’un immense serpent ; on redoute ses visites nocturnes. Quelquefois, quand les vents mugissent à travers la forêt et que ce bruit solennel dispose l’ame à la frayeur, les sauvages s’éveillent saisis d’épouvante ; ils allument un grand feu pour éloigner le monstre surnaturel qu’ils craignent de voir apparaître ; ils récitent des paroles magiques, et poussent des cris rauques et entrecoupés jusqu’au retour de la lumière. Dans tous les rapports de la vie, ils se montrent superstitieux, ajoutant foi aux pronostics les plus puérils. Ils croient à l’immortalité de l’ame, mais les uns espèrent après la mort une éternelle béatitude ; les autres semblent s’attendre, au moins pour un temps, à des transformations successives et à un retour sur la terre.

On doit regarder comme une cérémonie religieuse la pratique de la circoncision récemment découverte chez deux tribus, aux extrémités opposées de la Nouvelle-Hollande, au nord et au sud. Le voyageur anglais Eyre, qui s’est le premier aperçu de cette pratique sur des points si éloignés l’un de l’autre, en a voulu conclure que les peuplades