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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/707

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de reprendre à la Banque les fonds qu’il lui a remis en compte-courant quand il lui plaît, et même de choisir l’instant où ce retrait mettrait la Banque dans le plus grand embarras ; mais le gouvernement, qui administre le trésor sous sa responsabilité, a le devoir d’empêcher toute mesure administrative qui entraînerait une perturbation générale, et par conséquent d’interdire au trésor de se livrer à ses excentricités, sil lui prenait envie d’en faire. De par la force des choses, il y a entre le trésor et la Banque, pour certaines branches du service public, et particulièrement pour tout ce qui concerne le mécanisme de la représentation des valeurs, une solidarité qui ne peut se traduire en articles précis de règlement, et à laquelle cependant il n’est pas possible de se soustraire. C’est le sentiment sincère de l’intérêt public qui doit avertir l’un et l’autre de ce qu’ils ont à faire, de la limite où ils doivent s’arrêter. Et sur ce point M. le ministre des finances peut tenir pour certain qu’en Angleterre aucun chancelier de l’Échiquier ne se vanterait au parlement d’avoir fortement diminué les bons du trésor au moment où la diminution de la réserve métallique de la banque d’Angleterre aurait donné quelque inquiétude.

Qu’aurait pensé le gouvernement si la Banque, alors qu’il avait besoin d’elle, eût pris le public à témoin qu’elle n’avait pas pour mission de livrer à l’état toutes ses ressources ; si, en 1805, en 1812-13-14, elle se fût prévalue de son droit absolu, ou si, après la révolution de juillet, au lieu de faire à l’état des avances successives montant jusqu’à 372 millions en un an, elle eût fait étalage de son indépendance ?

Enfin ce n’est point lorsque la Banque éprouvait, sans qu’il y eût de sa faute, par le seul effet du jeu des saisons, le besoin d’être assistée, qu’il convenait de parler des fonds qu’on pouvait lui retirer ; il eût été mieux d’entretenir le public et la Banque de ce qu’on pouvait faire extraordinairement pour elle. Les critiques, pour être opportunes, auraient dû être réservées pour des temps plus réguliers, ou se produire à l’une des époques de prospérité que nous avons traversées : on aurait pu, par exemple, à l’un des momens où elle regorgeait d’espèces, lui reprocher de ne tirer aucun parti, pour l’intérêt public, de tant de ressources. C’est alors qu’il eût été possible de lui rappeler utilement le droit qu’on avait de lui retirer les fonds du trésor.

Pour ne négliger aucun des principaux aspects de la question, il faut envisager la Banque en elle-même. Une banque est, d’un certain point de vue, une entreprise privée, une association composée d’actionnaires qui attendent un dividende pour leur mise de fonds. Rien de plus juste assurément. A cet égard, la Banque de France a lieu d’être satisfaite. Ses actionnaires reçoivent l’intérêt d’une somme égale à trois fois et demi leur versement. Tant mieux ; ce sont des profits honnêtement acquis. Il est bon cependant que la Banque ait toujours présent à l’esprit